Magazine Humeur
La photo de Radovan Karadzic publiée après son arrestation à Belgrade est fascinante. Elle pourrait s'intituler La
métamorphose du bourreau. Comment reconnaître sous cette barbe blanche freudienne l'homme qui a commandé l'assassinat de huit mille musulmans à Srebrenica en 1995 ? Et cependant la métamorphose
n'est qu'apparence. Il s'agit bien du même individu. Il était déjà psychiatre quand il a ordonné tous ces massacres. N'empêche, à Pale, son fief, la population le pleure. C'est un héros.
Dostoïevski disait qu'un homme qui tue un autre homme est considéré comme un assassin. Mais qu'il en tue cent mille et on lui déroule le tapis rouge. Il sera passionnant de voir le procès au
Tribunal pénal international de La Haye. Les juges parviendront-ils à démonter les mécanismes de la monstruosité ? A atteindre cette part maudite de l'humain que nous sommes tous capables de
mettre en oeuvre ? Une chose est certaine. Dans le chaos sans cesse recommencé de l'Histoire avec sa "grande hache", d'autres Karadzic, d'autres Mladic jailliront de notre sang. Pour le répandre
encore et encore, tant l'expérience de la sagesse ne peut rien contre la pulsion de mort. Mais l'humanité pourrait-elle continuer son chemin sans cette pulsion-là, qui coule dans le même creuset
le bien et le mal, l'humain et l'inhumain ? Question terrifiante, n'est-ce pas ? Il est si difficile de concevoir la nécessité du mal, alors que nous savons qu'il peut selon Leibniz en naître un
bien... Heureusement qu'il nous reste l'utopie, pour nous défendre de la peur !