Les socialistes se préparaient au congrès de Reims et c’est celui de Versailles qui fait l’actualité, renvoyant au second plan la victoire à la Pyrrhus de la majorité.
Deux choses sont à prendre en compte dans cet événement : les conséquences de la réforme qui est passée, la nature très particulière des événements liés au vote.
Sur les conséquences de la réforme, objectivement la gauche n’a pas perdu grand-chose, si ce n’est l’occasion manquée de participer à une réforme qui aurait dû être consensuelle. Mais voilà, pour que consensus il y ait, il faut d’une part que les deux camps le veuillent bien, et sur ce point les velléités ont été modérées, et d’autre part que ces deux camps soient solides sur leurs bases pour faire le tri entre le fondamental et le négociable. Si à droite la chose était moyennement claire, à gauche, dans l’attente d’une refondation, aucune base constitutionnelle ne pouvait être franchement dégagée. Le PS était structurellement en état de faiblesse, il le restera jusqu’à Reims. Au final, on verra comment sera effectivement appliquée cette réforme, ce qui a relevé de l’intox et ce qui pourra être finalement arraché à la monocratie pour être transféré à la démocratie. Je serais assez content de voir proposer un referendum sur la refonte du collège électoral du Sénat dans quelques mois. Mais cela nécessite 4 millions de pétitionnaires en plus des 184 députés, et encore, cela peut être retoqué ou transformé en eau de boudin. Mais bon, donnons une chance à cet élément de réforme.
Côté circonstances du vote, c’est assez croquignolesque. Ce vote à l’arraché a été singulièrement obtenu en mettant deux votes en exergue : celui du président Accoyer et celui de Jack Lang. Je me suis laissé dire que l’usage aurait voulu qu’Accoyer s’abstienne et Lang s’est retrouvé à voter pour des raisons légitimes d’attachement à un texte qu’il avait contribué à créer, mais contre des raisons tout aussi légitimes d’attachement à la vie et aux décisions de son parti. Si le vote avait été plus large, cela n’aurait pas eu beaucoup d’importance, mais la vie politique a été très facétieuse en permettant de faire passer une réforme (que les socialistes ne désapprouvaient pas fondamentalement) grâce à la voix d’un homme qui est le symbole de ce que l’UMP rejette : ancien ministre mitterrandien, socialiste historique, symbole d’une gauche qualifiée de caviar. Qui plus est, si les circonstances s’y prêtent, un tel texte pourrait bien précipiter la chute d’un gouvernement, voire d’un président, dont la politique a largement échoué depuis un an et demi.
Maintenant, que faut-il faire du cas Jack Lang. Surement pas le virer comme un mal-propre. D’abord parce que même si faute politique il y a, c’est une faute due aux circonstances, pas une volonté délibérée d’être à ce point la vedette de Versailles. Ensuite parce qu’on ne se débarrasse pas ainsi d’un homme qui, pour aussi singulier soit-il, a participé largement à de grandes heures du PS et de la France. Il est par contre clair que Jack Lang ne peut plus exercer de hautes fonctions en tant que leader de gauche. Une sortie honorable doit lui être proposée et il est regrettable qu’il n’ait pas de lui-même préparé sa sortie comme l’a par exemple fait Pierre Mauroy.
On retrouve dans cette crise beaucoup de symboles : errements politiques tant à gauche qu’à droite, confusion des rôles amenant une confusion des messages, des convictions et des majorités. Tout ceci ne prépare-t-il pas à un passage de relais et à une refondation politique. Plus que jamais, le vrai congrès sera celui de Reims, puisse-t-il donner des résultats plus satisfaisants.