Confinement Saison 2 — jour 4. Sous l'œil inquisiteur des clients qui trépignent d'impatience derrière moi, je dépose mes articles sur un tapis roulant dernier cri. À mi-chemin et au commencement d'une barre de séparation automatique, un détecteur arbitre ce que j'ai le droit d'acheter et bannit ce qui est considéré superflu par le Ministère de la Consommation. Les poires gorgées de pesticides, ça passe. Le Coca, ça ne passe pas. Prenez plutôt de l'eau minérale, me souffle la caissière un peu honteuse. Au passage de la bouteille de Bergerac, j'entends un bip réprobateur, ah non, pas possible, c'est le pré carré des cavistes. Les aubergines, même son de cloche. Je m'insurge, c'est pour la moussaka ! Non, monsieur, nous ne pouvons vendre aucun légume contondant car les sex-shops hurlent à la concurrence déloyale. Les chips au bon goût de pomme de terre ? Va, pour cette fois. La mayo, pas essentielle. Des rillettes, adoubées in extremis par l'œil soviétique du détecteur. Les cornichons, de justesse. Les Schmackos pour la petite ? Ah ça non. Faites-lui lécher les fonds de casseroles. Le jouet qui couine, sans façon. On ne joue pas, monsieur. Les pâtes, oui, la farine, oui, le PQ, qu'il pleuve ou qu'il vente, toujours la raie nette. Le boulghour pour la moussaka sans aubergines (sniff), le chocolat pâtissier et la glace à la vanille pour les poires Belle-Hélène, oh mais c'est Byzance, chez vous, commente la caissière narquoise. Non mais de quoi j'me mêle. De vos oignons, monsieur, hihihi. Et lorsque que je m'empare de La Provence du jour, un vigile surgit et me l'arrache des mains en aboyant "on a oublié de bâcher les devants de caisses". Comme je me débats, je VEUX lire la presse, je VEUX m'informer, on me pousse dans le dos, on m'invective, on me tire toute la couette. Laurent, réveille-toi, tu vas être en retard pour le boulot !
Confinement Saison 2 — jour 4. Sous l'œil inquisiteur des clients qui trépignent d'impatience derrière moi, je dépose mes articles sur un tapis roulant dernier cri. À mi-chemin et au commencement d'une barre de séparation automatique, un détecteur arbitre ce que j'ai le droit d'acheter et bannit ce qui est considéré superflu par le Ministère de la Consommation. Les poires gorgées de pesticides, ça passe. Le Coca, ça ne passe pas. Prenez plutôt de l'eau minérale, me souffle la caissière un peu honteuse. Au passage de la bouteille de Bergerac, j'entends un bip réprobateur, ah non, pas possible, c'est le pré carré des cavistes. Les aubergines, même son de cloche. Je m'insurge, c'est pour la moussaka ! Non, monsieur, nous ne pouvons vendre aucun légume contondant car les sex-shops hurlent à la concurrence déloyale. Les chips au bon goût de pomme de terre ? Va, pour cette fois. La mayo, pas essentielle. Des rillettes, adoubées in extremis par l'œil soviétique du détecteur. Les cornichons, de justesse. Les Schmackos pour la petite ? Ah ça non. Faites-lui lécher les fonds de casseroles. Le jouet qui couine, sans façon. On ne joue pas, monsieur. Les pâtes, oui, la farine, oui, le PQ, qu'il pleuve ou qu'il vente, toujours la raie nette. Le boulghour pour la moussaka sans aubergines (sniff), le chocolat pâtissier et la glace à la vanille pour les poires Belle-Hélène, oh mais c'est Byzance, chez vous, commente la caissière narquoise. Non mais de quoi j'me mêle. De vos oignons, monsieur, hihihi. Et lorsque que je m'empare de La Provence du jour, un vigile surgit et me l'arrache des mains en aboyant "on a oublié de bâcher les devants de caisses". Comme je me débats, je VEUX lire la presse, je VEUX m'informer, on me pousse dans le dos, on m'invective, on me tire toute la couette. Laurent, réveille-toi, tu vas être en retard pour le boulot !