et la population commémore ses défunts.
En Martinique, ces cérémonies prennent un tour éloigné des standards catholiques usuels. Les cimetières, nettoyés et embellis les jours précédents, accueillent leur plus grande affluence. Toutes les générations se retrouvent, éclairées par des myriades de bougies blanches et rouges. Les Martiniquais préférant se rappeler les bons souvenirs vécus avec leurs parents disparus, le rituel prend ici une tournure festive. Les rires, les repas, les boissons, rendent vivace le souvenir de l'être disparu. Des camelots, la musique et des bandes d'enfants complètent ce tableau joyeux. On ressens la communion de la congrégation à travers la positivité des attitudes.
"Tout à de l’importance pour nos défunts", explique Sylvie L, "la propreté des lieux, la présence des proches, les pensées et les offrandes… ". Sylvie n’a jamais manqué une fête de la Toussaint, où elle rend hommage, entre autres, à son père. "Mais ces dernières années nous sommes moins nombreux à préparer le cimetière, et on se rend compte que le nombre de fidèles baisse", déplore-t-elle. La nouvelle génération s'éloigne en effet de cette tradition. La fréquentation des églises a lourdement chuté. Dans son livre Les nouveaux mouvements religieux dans les caraïbes (Karthala, 2001), L. Hurbon estime que "vers les années soixante-dix, une génération nouvelle, en rupture avec les générations précédentes, apparait en Guadeloupe et en Martinique, qui fait l’expérience d’une identité particulièrement menacée et qui, en cherchant de nouvelles assises culturelles, n’hésite pas à mettre ensemble les signifiants les plus hétérogènes". Certes les mouvements religieux ont fleuri et même prospéré sur le territoire antillais, "Témoins de Jéhovah, Adventistes, Musulmans etc…" ont assis leur rayonnement, affaiblissant de facto l’influence de l’Eglise catholique. Mais le déclin de la spiritualité chez les jeunes représente un mouvement général dans les sociétés modernes, aux États-Unis, en Europe, les rangs des "sans religions" progressent d’une manière qui semble inéluctable.
Denis Lacorne, directeur de la recherche au Centre de recherches internationales (CERI), résume : "plus on est jeune moins on a de religion".
Les facteurs sont nombreux…les nouvelles technologies, l’accès aux études, le multiculturalisme, renforcent le scepticisme, érodent les croyances.
Dans ce contexte, la beauté de la tradition martiniquaise résistera-t-elle au temps ? Il y a plus d’une semaine, Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie était assassiné d’une façon barbare pour avoir fait son travail d’enseignant auprès de ses élèves. Alors que continue de se dérouler le procès des assassins de Charlie Hebdo,...