« Les enfants abordent la mort sans a priori, avec curiosité »

Publié le 01 novembre 2020 par Eric Acouphene
Psychologue dans le service de réanimation de l'hôpital Raymond-Poincaré, à Garches (Hauts-de-Seine), auteur de plusieurs ouvrages dont le Courage des lucioles (Philippe Rey), Muriel Derome côtoie des enfants malades, handicapés ou accidentés et leurs familles. Elle détaille trois clés que les plus jeunes nous livrent à leur insu.

 1. Vivre le présent

Avec l'âge, les adultes sont presque toujours confrontés à un sentiment de déjà-vu. Toute situation évoque des souvenirs, ou tout au moins des représentations, si bien que l'on devient assez mal à l'aise face à l'imprévu. L'enfant, au contraire, pose un regard neuf sur la réalité et s'y adapte en permanence. Il affronte la mort de la même manière qu'il se rend à l'école pour la première fois, qu'il découvre un petit frère ou une petite sœur qui vient de naître, qu'il part en colonie de vacances… Il aborde la mort sans a priori, avec curiosité. « Elle est belle, comme ça, avec ses cheveux ondulés », remarque ainsi un petit garçon devant le corps de sa sœur décédée. Un adulte qui s'approche d'un mort, lui, est dans ses peurs et dans sa répulsion, qui envahissent et influencent sa manière de voir. Souvent, dans la vie, la peur de la souffrance est plus difficile à vivre que la souffrance elle-même. Apprenons à être davantage dans le moment présent.

2. Voir la lumière dans la nuit

Les enfants passent sans arrêt du grave au léger, puis du léger au grave. Je n'hésite pas à leur poser des questions « choquantes » aux yeux de leurs parents : « Qu'est-ce que tu trouves de bien, dans cette mort ? » L'un d'eux m'a avoué un jour : « La mort, c'est moins dur que la maladie. » Pour eux, la maladie rime souvent avec angoisse, pleurs, incertitudes, espoirs déçus et indisponibilité des parents. De la même manière, lors d'un enterrement, les petits peuvent se réjouir d'être montés dans le clocher de l'église ou d'avoir lancé des fleurs sur le cercueil. À leur suite, n'ayons pas peur d'exprimer avec authenticité ce que nous ressentons, d'accueillir ce qui monte en nous de douloureux, sans penser que c'est définitif. C'est ce qui nous permettra, ensuite, de saisir qu'au cœur de la nuit la plus sombre brillent toujours de petites étoiles. Acceptons de nous laisser traverser par la douleur, sans nous focaliser sur elle, et entretenons notre capacité d'émerveillement, pour garder nos yeux ouverts sur la beauté de la vie.

3. Rester connecté à l'invisible


« Quand je ne serai plus là, pour rester en contact, vous utiliserez la prière. La prière, c'est comme le téléphone. Vous direz tout à Dieu, et il me transmettra. »
 Tanguy, décédé d'une tumeur au cerveau à 12 ans, évoquait ainsi l'au-delà. Mieux que nous, les enfants perçoivent la continuité entre la vie terrestre et la vie céleste. Leur capacité d'imagination rend leur monde intérieur très riche, qui peut intégrer d'autres dimensions, créer un univers presque sans support, bien plus facilement que pour nous, qui sommes dans le tangible, le rationnel. Ainsi cette question d'Alice, 7 ans : « Est-ce que c'est l'âme qui nous permet de rester solides ? Qui nous empêche de tomber en miettes ? » Elle nous rappelle que l'Esprit saint, souffle de vie, habite en nous et nous structure. Même si cela n'enlève rien à la douleur de l'absence, les enfants nous invitent, par leurs questionnements, à relever le spirituel dans nos vies et à hiérarchiser nos priorités à la lumière de l'éternité.
Source : Magazine La Vie