Chavirer de Lola Lafon

Publié le 30 octobre 2020 par Nathpass
Chavirer de Lola Lafon pourrait s’appeler Consoler, c’est ce que j’ai ressenti consoler l’inconsolable dont on se souvient quelquefois mal des dizaines d’années après. Ce livre s’attache à plusieurs personnes essaimées sur le difficile parcours de la danse pro... mais les personnages aux premières loges de l’innocence et de l’innommable sont deux jeunes filles presqu’enfants et pas encore « femmes » Cleo et Betty, mais aussi sur la route d’une vie, un ami riche cultivé, une habilleuse, un Kiné, un chorégraphe, un régisseur. Le plus réussi c’est ce labyrinthe qu’elle éclaire jusqu’au final. Par moments on se dit, qu’on s’égare sur quelques pages mais c’est fugace. Les descriptions côté scène et côté coulisses sont extraordinaires. 
p 145-146-147Alan éteint la télé. Les bottes de freesias jaune de la fleuriste d’en face signalent le printemps ; Alan n’a jamais aimé cette saison braillarde, qui pousse du coude le feutré de l’hiver. Il préférerait que le froid fasse encore se hater les silhouettes des passants, que la nuit vienne tôt, avec son obscurité prévenante et consolatrice. Au creux de laquelle pouvoir se plaindre....Il a été le père, l’ami, le psychologue des groupes dont il assurait la régie. Des centaines de groupes aux batteurs cocaïnomanes, aux bassistes résignés à se voir féliciter pour leur jeu de guitare. Des centaines de chanteurs au torse concave qui vénéraient Radiohead s’offusquer d’être comparés à Indochine. Alan était accoutumé à leur panique : celle des guitaristes penauds qui venaient tlui avouer, deux heures avant la balance, qu’ils avaient oublié leur ampli dans une chambre d’hôtel à 600 km de là, celle des chanteurs qui se plaignaient que le son était infect dans la salle, pas question de jouer dans ces conditions ; il fallait les amadouer comme on l’eut fait de chiens errants, ces gamins devenus trop célèbres à la faveur de trois accords de guitare, qui finiraient un jour, quinquagénaires revenus de tout ce cirque, par dédicacer des photos d’eux-mêmes adolescents.
p 150...elle avait peur de la gentillesse des gens qu’elle connaissait mal. La gentillesse distribuée comme un flyer pour une messe, on se demandait toujours quel en serait le prix.
p 161 Non, la musique live n’était pas menacée par les pirates du Web, n’en déplaise aux producteurs de spectacles qui avalaient un Spasfon à la moindre mention d’un MP3, elle était simplement en passe de succomber à une épidémie de nidification. On était insidieusement passé du : « Restez chez vous, nous vous livrons pizzas, chaussures et romans » au « Rentrez chez vous, il n’y a que là que vous serez en sécurité », une injonction de couvre-feu.
p 174 Le chômage c’est la misère le travail c’est l’exploitationOn ne veut pas des miettes on veut toute la boulangerieLe travail est à la vie ce que le pétrole est à la mer.
p 208À quel moment un fils perd-il de vue la femme qui a été sa mère pour lui substituer une silhouette de fiction : grand-mère confiture, vieille dame-caddie, satisfaite de mener une vie ralentie.
P 258La famille était le lieu où se conjuguaient savoir et oubli : l’oubli indispensable pour continuer à remplir les caddies.
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