Faut pas prendre les cons pour des gens, T1

Par Belzaran

Titre : Faut pas prendre les cons pour des gens, T1
Scénaristes : Emmanuel Reuzé & Nicolas Rouhaud
Dessinateur : Emmanuel Reuzé
Parution : Septembre 2019


L’humour absurde tout en dialogue est à la mode. Porté par le succès d’un « Zaï zaï zaï zaï » de Fabcaro ou encore le blog de Bastien Vivès, il est présenté souvent sous forme de saynètes en forme de copier-coller (ou presque). Le dessin ne devient qu’un support au dialogue. Dans cet ouvrage d’Emmanuel Reuzé (aidé au scénario par Nicolas Rouhaud), le dessin tient une place plus importante, tout en étant parfaitement dans cette tendance. « Il ne faut pas prendre les cons pour des gens » est publié assez logiquement chez Fluide Glacial en format classique.

Un humour absurde et corrosif

Les gags sont ici présentés en une page. Plus rarement, pour compléter une situation, un dessin seul est ajouté. Si au départ chaque page est indépendante, certaines thématiques reviennent. Ainsi, les auteurs proposent de remplacer les professeurs par des distributeurs de diplômes. Les conséquences de ce choix sont ensuite réutilisées plus loin. Cela participe à la connivence entre l’auteur et le lecteur, qui voit l’absurde se développer de plus en plus au fur et à mesure que les situations avancent.

L’humour absurde ne fonctionne pas toujours. Dans « Faut pas prendre les cons pour des gens », le pari est réussi. L’auteur détourne aussi bien le vocabulaire d’aujourd’hui (la « maison intelligente » est vraiment trop intelligente pour le français moyen) que les situations inhérentes à notre société actuelle. Le tout est saupoudré d’un sacré pessimisme qui lorgne du côté de l’humour noir. Âmes sensibles s’abstenir ! SDF, terrorisme, chômage, suicide au travail… Rien n’est laissé de côté… Pour les amateurs du genre, les sourires seront légion. L’humour est inventif et varié et pousse l’absurdité de notre société au plus loin. Mélanger terrorisme et art contemporain, il fallait oser !

Si le copier-coller est utilisé par moments, ce n’est jamais entièrement le cas. Les planches construites la plupart du temps en 6 cases carrées, n’ont jamais 6 cases identiques. On n’a jamais l’impression que l’auteur dessine à l’économie. Les cases sont soignées et participent à l’impact des gags. Dessinées de façon réaliste, avec une trame à l’ancienne, cela donne l’impression de regarder la télévision. Étant donné les sujets traités dans le livre, c’est particulièrement adapté.

« Faut pas prendre les cons pour des gens » s’inscrit parfaitement dans la tendance de livres d’humour absurdes de ces dernières années. Avec son humour corrosif et son dessin soigné, il est aussi dans la plus pure tradition de Fluide Glacial. Un livre à ne pas mettre entre toutes les mains. Ou alors peut-être que si, justement ?