Quand une personne en est atteinte, elle tourne de l'oeil à la moindre occasion sociale.
Ce mal dont il s'agit, c'est l'allergie au réel. Attention toutefois. Ne confondons pas: il y a les allergiques au réel et il y a les drogués à la fiction...
Les allergiques au réel du roman de Sylvie Délèze s'efforcent de tenir les autres à distance, dans une stratégie d'évitement de leurs congénères.
Ils se sont connus il y a vingt ans: Violette travaillait à l'Archive centrale. Moi, au syndicat général des étudiants. Elie au Conseil de l'Université.
Moi a fait se connaître Violette et Elie: Très vite, on est arrivé à partager nos liens, à les étendre jusqu'à former un triangle flexible, élastique.
Chacun écrit et va créer un personnage, qui sera en quelque sorte son double, encore que dans le cas de Violette ce personnage sera multiple:
Est-ce qu'Elie pensait déjà à Raub? Comme moi, à Nectaire? Ou Violette à Orestina, cette Nunzia de Amicis qui porte vingt autres prénoms?
Ces personnages ne seront pas en quête d'auteur. Ils auront un créateur, mais lui donneront du fil à retordre, ne seront pas des rejetons tranquilles.
Ces enfants de papier vivront. Qui du créateur ou de la créature échappera à l'autre? Qui le sait puisque écrivains et personnages se ressembleront?
À la fin, ces allergiques se retrouvent en Italie. Dans les rayonnages d'une bibliothèque sont logés des écrivains hyperesthésiques, comme eux...
Francis Richard
Toccata (pour personnages) en italique, Sylvie Délèze, 168 pages, Éditions de l'Aire