Arlette Farge écrit qu’« un voile s’est étendu sur toute la planète ». Et que, sous ce voile, « toutes nos fragilités se donnent la main ». La fragilité ne débouche pas sur le désespoir mais le masque qu’il nous faut porter, y compris dans la rue, efface le sourire. Qu’en sera-t-il demain ?
L’article de Myriam Revault d’Allones examine les incertitudes auxquelles nous sommes confrontés. Elles ne datent pas de la pandémie mais ont pris un tour nouveau, modifiant notre perception du temps. Et elle cite Milan Kundera (L’Art du roman) : » Quand Dieu quittait lentement la place d’où il avait dirigé l’univers et son ordre de valeurs, séparé le bien du mal et donné un sens à chaque chose, Don Quichotte sortit de sa maison et il ne fut plus en mesure de reconnaître le monde ». Elle précise que, plutôt que d’avoir été « confrontés », nous avons été « envahis » jusqu’au plus profond de nous-mêmes. Peut-être même sommes-nous démunis pour imaginer l’avenir. Nous manque, en effet, dans cette période de présent continu, de réel « absenté », l’expérience sociale, le « monde commun ». Et elle compare notre situation à celle d’un navire qui ne peut plus débarquer en cale sèche et qu’il faut non seulement le réparer mais encore le construire en pleine mer, la « mer des incertitudes ».