Le platonisme est la principale tradition spirituelle européenne et méditerranéenne.
Je voudrais en parler en partant de ses branches, dans l'espoir de remonter peu à peu vers le tronc. L'idée n'est pas de parler de tout, mais de prendre des notes, de garder trace de mes conclusions. Pas d'ambition esthétique ni pédagogique.
Aujourd'hui, une branche du platonisme au cœur de l'islam, l'ismaïlisme.
En 529, l'empereur Justinien fait fermer l'école d'Athènes. Simplicius et six autres philosophes s'exilent en Perse. Selon une étude fouillée et convaincante de Michel Tardieu, les philosophes platoniciens comme Simplicius ont fait école à Harrân et cette tradition s'est poursuivie au moins jusque dans la Bagdâd du Xe siècle, avec notamment les "Lettres des Frères de la Pureté". C'est là le pur enseignement de Pythagore et de Platon, axé sur les mathématiques.
Ainsi, le platonisme a survécu jusqu'au cœur de l'islam.
L'ismaïlisme est une branche de l'islam. Ou plutôt, c'est une branche du platonisme déguisée en islam pour pouvoir y survivre. Au reste, l'ismaïlisme a toujours été persécuté. Il reste plusieurs communautés aujourd'hui, dont quinze millions de la branche nizarite au Pakistan et en Inde, plus les Druzes au Liban, etc. L'ismaïlisme a aussi survécu sous couvert du soufisme, du moins dans certaines confréries. L'ismaïlisme a ainsi repris le concept islamique de "dissimulation" des croyances véritables, en le retournant contre l'islam, afin de survivre en son sein.
En la forteresse d'Alamut, un chef ismaïlien a proclamé en 1164 la "Grande Résurrection", le grand Retour à la Vie, c'est-à-dire l'abrogation de la loi islamique, en faveur de la seule spiritualité, c'est-à-dire du platonisme de toujours.
A propos de l'ismaïlisme, se pose la question qui se pose à propos du platonisme : Dans quelle mesure le platonisme est-il un rejet du corps ?
Dans toutes ses formes, nombreuses, la question se pose.
Je voudrais soumettre ce passage, d'un théologien ismaïlien, qui parle du rapport hiérarchique entre l'Un et l'Intellect, qui sont les deux premiers principes. Or, ce théologien Abu 'Isâ A-Murshid, compare la domination de l'Un sur l'Intellect à la domination de l'homme sur la femme, en invoquant le Coran :
"La lune [=l'Intellect, la femme] atteint sa perfection [=la pleine lune] en quatorze nuits, alors que le soleil maintient sa forme pendant les vingt-huit jours [du cycle lunaire]. Au soleil revient deux fois la part de la lune. A ce sujet, Dieu a dit : "au garçon une part égale à celle de deux filles" (Coran, 4, 11), ce qui se réfère au fait que le rang du Devançant [=l'Un] est deux fois supérieur au rang du Suivant [=l'Intellect], car le Devançant se rapporte au Suivant comme l'homme se rapporte à la femme." (La philosophie ismaélienne, Cerf, p. 31)
Et notre pieux homme enfonce ensuite le clou.
Manifestement, la misogynie abrahamique a ici infiltré le platonisme. Mais la question demeure de déterminer à quel point. Car le platonisme n'est pas neutre à l'égard de la femme, du corps, de la vie (ces éléments étants interdépendants).
Le platonisme est-il misogyne en son essence ? Ou bien accidentellement ? C'est-à-dire, peut-il rendre gloire au féminin ? Ou pas ? Autrement dit, que puis-je conserver du platonisme ? Son essence, son cœur ? Ou bien seulement certains éléments ?
Répondre à ces questions exige d'étudier tout le platonisme, c'est-à-dire toute la spiritualité européenne et méditerranéenne.