Une belle histoire et c'est bon ? Non ! Un beau storytelling, même le plus beau qui soit, donnera rarement les meilleurs résultats. Oui, je suis très affirmatif. Ce n'est même pas "parfois ce n'est pas le meilleur", c'est quasiment à chaque fois.
Je vous explique pourquoi dans cet article et je vous dis aussi comment utiliser tout de même une magnifique histoire, un récit sublime dans votre storytelling.
Une vie extraordinaire :
Avez-vous déjà entendu parler de Tanmay Bakshi ?
Oui, non ? A dire vrai, jusqu'il y a quelques jours, je n'avais jamais entendu parler de lui (oui, c'est un garçon).
Allez, je vous en dis un peu plus sur lui. Ce Canadien est développeur informatique chez IBM. Quoi, IBM, cette boîte ringarde ? Wait, wait, wait ! Oubliez l'image de l'ordinateur de années 80′s. IBM est aujourd'hui un vrai géant de l'intelligence artificielle et des innovations. Pas dans les ordinateurs mais dans ce qui les fait fonctionner à un très haut niveau de sophistication. Il y a donc un détail qui n'étonnera pas, chez Tanmay Bakshi : c'est aussi un expert en intelligence artificielle. Il a déjà été invité à parler dans des événements TED (bon peut-être juste des TEDx, mais c'est déjà pas mal). Il tient aussi, comme d'autres influenceurs comme lui, un rôle d'évangéliste pour Google. Voilà, voilà...
Belle histoire. Bon, pas si extraordinaire que cela. Après tout, plein d'autres personnes dans le monde peuvent afficher un tel parcours.
Sauf que... Tanmay Bakshi a... 16 ans. Oui, vous ne rêvez pas : cela fait déjà un an qu'il a un emploi chez IBM. Et en réalité, il travaille depuis l'âge de 11 ans avec IBM. Il a conçu sa première application mobile à l'âge de 8 ans. Il avait commencé à s'intéresser à l'informatique à l'âge de 5 ans, en voyant travailler son père, lui-même développeur. Ce n'est pas l'aspect ludique de l'ordinateur qui l'intéressait, mais une sorte de magie liée à la machine, aux inputs et aux outputs. Oui, c'est bien en ces termes qu'il en parle. Ce n'est pas pour rien non plus que l'un de ses thèmes de prédilection est le machine learning. Machine learning qui est au coeur de l'intelligence artificielle, évidemment.
Un petit détail supplémentaire sur Tanmay Bakshi. A l'âge de 13 ans, il a conçu une application mobile qui, grâce à l'intelligence artificielle, permet de compiler et donner du sens à des signaux de tendances suicidaires chez les adolescents. Wow !
Le problème de cette histoire :
Cette histoire a un énorme problème qui la rend inutilisable.
Quoi ? Mais il est formidable ce storytelling ! C'est un destin de fou, qu'il a ce garçon ! C'est vrai. Et c'est justement le problème. Elle est trop, trop belle.
Et alors ? Et bien, à quoi sert le storytelling, ou plutôt à qui ? On ne raconte pas quelque chose pour soi, pour se mettre en valeur. Ou alors, si on fait ça, c'est qu'on a peu de valeur et beaucoup d'égo. Au coeur du storytelling, on ne trouve pas l'émetteur, mais le récepteur, le public, l'auditoire. C'est toujours lui, le véritable héros.
Et donc, quel peut bien être l'impact de ce récit sur un auditoire ? Que peut-il en faire ? A part admirer Tanmay Bakshi, ce qui lui fait une belle jambe (à Tanmay et au public). Peut-il s'en inspirer ? Comment peut-on en faire quelque chose pour soi, de ce récit ? J'ai beau tourner tout cela dans ma tête, je ne vois pas du tout ce que je peux en faire d'utile pour moi, pour me faire avancer dans ma vie, devenir une meilleure et plus belle personne.
Autre réaction possible (et testée) : "le pauvre, il n'a pas eu d'enfance". C'est une réaction humaine, mais qui, dans un contexte d'utilisation du storytelling en milieu professionnel n'a pas d'intérêt.
Ce sublime exemple est donc effectivement parfaitement inutilisable, aussi beau soit-il, d'un point de vue business et monde du travail. Oui, pour raconter autour de la machine à café, ok, ça peut marcher, mais ce n'est pas de ce genre d'usage dont on parle sur Blogstorytelling (cf. la description du blog).
Que faire avec cette histoire ?
En tirer du sens utilisable, en la déconstruisant.
C'est à dire ?
Prendre un autre angle pour la raconter, un point particulier de l'histoire, qui relègue l'exceptionnel profil de Tanmay Bakshi à l'arrière-plan. Par exemple : un message sur la nécessité de rendre simples et compréhensibles pour tous des concepts complexes. C'est ce que fait Tanmay sur sa chaîne YouTube, dont vous avez le lien plus haut dans le texte. On peut être expert dans quelque chose et les expliquer simplement, sans jargon excessif. (Que nos pontes médecins experts du Covid-19 en prennent de la graine au lieu de nous asséner des "moi je sais, vous ne savez rien donc taisez-vous et estimez-vous heureux que je daigne m'adresser à vous").
On perd évidemment du waouh, car d'autres histoires bien moins exceptionnelles pourraient aussi faire l'affaire pour véhiculer ce message. Mais de toute manière, dans cette histoire, on n'avait rien de plus que le waouh, ce qui ne mène pas à grand chose. Effet waouh avec impact miaou, donc.
Les histoires simples et humbles sont la clé :
Chez Storytelling France, nous devons souvent freiner nos clients. Ils ont tendance à vouloir afficher une histoire Cocorico, d'eux en version Superman. Nous leur expliquons que ce n'est pas la bonne stratégie. Nous leur disons que ce ne sont pas ces histoires auxquels les gens croient, se connectent. Il en faut à la fois moins et plus pour réaliser un storytelling efficace. Souvent, à partir d'une seule grande histoire (big story), nous les amenons à en faire plusieurs. Plus modestes, plus ciblées. Nous leur disons que c'est tout bénéfice pour eux : plusieurs histoires, cela signifie plusieurs occasions de communiquer, de prendre la parole en variant le discours. La plupart du temps, ils comprennent et les résultats valident leur ralliement à notre credo.