Devant un public nombreux malgré la situation sanitaire, Pascal Picq a prononcé une conférence magistrale sur "l’évolution créa la femme: de la division des tâches à la discrimination économique". Car pour l’anthropologue, les enjeux de l’économie de demain, passeraient par l’anthropologie! Ce dont d’ailleurs il a réussi à nous convaincre en démontrant que le traitement accordé aux femmes aujourd’hui dans le monde économique coûte très cher. Espérons qu’il en a été de même pour les politiques et les entrepreneur(e)s venu(e)s l’écouter.
Pascal Picq part de la posture que les femmes sont invisibles dans nos sociétés. La présentation de l’auteur commence par évoquer la condition des femelles chez les primates et les singes où l’on apprend que chez certains, l’égalité entre les sexes existe alors que chez d’autres, le chimpanzé par exemple, un rapport de coercition s’est imposé. Coercition est le terme récurrent répété par celui qui enseigne au Collège de France. Des sociétés préhistoriques aux idéologies intégrées par Darwin, Engels et Marx qui reconnaissaient déjà que les femmes étaient les premières opprimées, même si pour elles à l’époque, peu pour ne pas dire aucun combat ne fut mené par ces derniers, ce sont les comportements coercitifs, c’est-à-dire une contrainte imposée aux femmes qui frappent le plus les esprits.
Un des principaux intérêts de la conférence de Pascal Picq fut de nous faire voyager de 400.000 ans avant notre ère jusqu’à nos jours pour nous faire comprendre comment nous en sommes arrivés là. Entendons par là, à comprendre "à quand remonte cette guerre constante – à la fois domestique et publique, physique et symbolique – faite aux femmes?". L’ouvrage quant à lui, commence aux premiers primates pour parvenir à l’être humain que nous sommes et de façon claire, nous fait comprendre comment la situation actuelle des femmes s’explique à travers ce grand voyage. L’auteur dévoile qu’il s’agit tout simplement de la première tentative d’étude de l’évolution de la coercition sexuelle envers les femelles et les femmes depuis les origines jusqu’au commencement de l’histoire que les historiens situent le plus souvent vers 3.000 avant Jésus-Christ, au moment de l’invention de l’écriture. Et où il est démontré que "quels que soient les systèmes de pensée, même les plus légitimes en matière de lutte pour les égalités, le combat pour l’égalité des femmes semble condamné à attendre, depuis l’origine".
A la suite de Françoise Héritier à laquelle Pascal Picq a rendu hommage, ce dernier a rappelé que le féminicide est propre à l’espèce humaine. L’auteur du livre conclut en refusant d’accepter l’idée que même si l’espère humaine "est fondamentalement coercitive et inamendable" et quelles qu’en soient les raisons, politiques ou religieuses entre autres, elle ne puisse pas évoluer vers plus d’égalité entre les sexes. Faire déjà en sorte que les femmes ne soient plus une marchandise et par conséquent plus une source d’obligations sociales et de richesses.
Ainsi comment notre société en est-elle arrivée à dévaloriser le travail domestique pris en charge pratiquement essentiellement par les femmes alors qu’il est à la source même de nos sociétés? Avec comme résultat des activités au sein du ménage sans valeur reconnue et à l’extérieur, une dévalorisation de métiers allant de celui d’assistance maternelle que l’on exécute "car on ne peut pas faire autre chose" au métier d’enseignant déprécié tant économiquement que politiquement. Nous en connaissons les conséquences aujourd’hui. Alors même que ce sont ces corps professionnels qui ont à charge l’avenir de la nation à travers l’éducation de ses enfants.
Pascal Picq, Et l'évolution créa la femme, Odile Jacob, 2020.
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