cidbhairavam eva paraṃ paramāmṛtarūpam ekam atidīptam |
ullasitakaraṇacakragrastasamastaṃ śivaṃ vande ||
Bhairavānukaraṇastotra, 2 attribué à Kṣemarāja
"Le Dieu qui est conscience :
lui seul est transcendant, suprême ambroisie immortelle,
un, plus que lumineux.
Il dévore (instant après instant) toute la roue
des puissances (du corps et de l'esprit)
qui danse (en manifestant mon expérience) :
hommage à Dieu !"
L'imitation de Dieu, 2, hymne attribué à Kshemarâja
"Il dévore" (grasta) : la conscience engloutit à chaque instant ce qu'elle manifeste. La conscience, c'est-à-dire l'expérience, c'est-à-dire le temps. Tout ce qu'elle fait, elle le défait, "comme des mots tracés sur l'eau". Le Temps, c'est-à-dire la Mort (kâla) manifeste tout en elle-même, comme si cela existait hors d'elle-même, à la manière d'un miroir, puis elle reprend tout en elle, dans l'identité, comme dans une mine de sel le bois devient sel.
Ce verset, comme tous les discours du shivaïsme du Cachemire, est une description de l'expérience commune, mais illuminée par une attention spéciale. C'est tout le point de la Reconnaissance, laquelle définit l'éveil dans cette tradition : admirer le divin, lui rendre hommage dans l'expérience banale, apparemment ordinaire, grâce à une attention extraordinaire.
C'est l'élan même de la poésie ; et donc, les maîtres du shivaïsme du Cachemire étaient des poètes.