La plupart des ennemis du poète sont de passage
Ils font souche ou carrière ou roulent poussés par le vent comme des amas de brindilles et de racines coupées et sont contraints de subsister un certain temps en ces contrées paisibles qu’ils veulent changer comme ils veulent te changer toi aussi
Naturellement ils se cassent vite les dents à cette tâche lugubre et repartent un beau jour un très beau jour lassés et furieux non sans avoir cependant provoqué quelques dégâts
De leur défaite et des dégâts qu’ils ont causés ils conçoivent une nostalgie et les voici sans cesse revenant sous ces cieux qu’ils ont voulu changer mais qui les ont changés et vaincus
Et toi toujours pareil à toi-même comme ce pays profond est toujours pareil à lui-même il t’arrive parfois de les apercevoir errant sans âme au détour d’une rue ombreuse et déserte du soir
Et tu t’arrêtes un instant pour les voir passer comme on s’assoit au bord du fleuve à regarder glisser les corps des ennemis du poète bercés par l’onde sûre et tranquille
© Éditions Orage-Lagune-Express. Photo et retouche Christian Cottet-Emard.
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