Dans l'état d'être pur, comme dans le sommeil profond, la puissance d'éveil est au degré zéro. La puissance d'éveil, c'est la conscience, aussi appelé "désir", "vague", "vibration", etc.
Mais dans l'état de veille, cette même puissance, quoi que présente, est fragmentée. Dans l'état de veille, l'attention est dispersée, manifestée en une multitude de perceptions, d'images, de désirs, de souvenirs.
L'état d'éveil n'est donc ni l'état de sommeil profond, ni l'état de veille. Dans le premier, on a l'être, on est l'être, mais sans la conscience. Dans le second, on a la conscience, mais éclatée. Cette fragmentation "cache" l'être.
Il faut dont chercher la conscience unifiée de l'être : c'est l'état d'éveil. C'est le "moment", toujours présent mais "caché" par les distractions, où l'être se réalise, se goûte, se désire à plein, s'éprouve en son total.
C'est cet état d'éveil que célèbre ce verset, cité par Râma dans son commentaire au poème de la vibration :
'Ô Déesse ! Mère !Tu es nommée 'éveil', et autres
quand tu es à l'état de puissance,
qui est un état de subtile dilatation. »
L'éveil est aussi appelé "éclosion" (unmesha). C'est, par exemple, quand je suis plongé dans une pensée, dans une tâche, comme celle d'écrire, et que soudain ce fil est rompu. Une porte claque, le téléphone sonne, un chien aboie. Entre la pensée dans laquelle j'étai plongé et l'apparition de la pensée suivante, il y a une "éclosion" de pure présence. C'est l'état d'éveil qu'il faut reconnaître par soi-même. Nul ne peut le vivre à notre place et, sans cette expérience, il n'y a pas d'éveil spirituel. C'est l'état de puissance (shakti), d'expansion perpétuelle (brahman). En vérité, c'est l'état naturel de l'être. Mais il est d'ordinaire recouvert par les ténèbres (surtout durant le sommeil profond) ou par les distractions (surtout dans l'état de veille). Alors que, dans cet intervalle, il est nu. C'est le moment de l'éveil.