L'organisation, par L'Agefi, de l'AM Tech Day le 13 octobre dernier à Paris nous procure, entre autres, une excellente occasion de nous pencher sur les opportunités de l'innovation technologique dans l'univers de la gestion d'actifs… et, plus spécifiquement, de nous interroger sur ses priorités, ses obsessions, ses éventuels angles morts…
Avant d'entrer dans le vif du sujet, il faut immédiatement remarquer que, comme dans l'AssurTech et, plus généralement, la FinTech, la majorité des jeunes pousses de ce qui s'intitule donc l'« AMTech » sont des fournisseurs de technologies destinées à améliorer une catégorie de processus, et dont la capacité de transformation radicale se trouve donc limitée. Et, comme il se doit en 2020, leur thème de prédilection est l'intelligence artificielle (qu'on retrouve aujourd'hui, par exemple, dans une annonce de RBC).
En revanche, ce qui me surprend un peu plus parmi ces tendances émergentes de la gestion d'actifs est la concentration importante de nouveaux entrants qui cherchent principalement à mettre leurs algorithmes et leurs modèles de calcul au service de l'optimisation des choix d'investissement, dans le but de maximiser les rendements, surtout en ces périodes de volatilité des marchés, ou de simplifier la tâche des conseillers en leur laissant plus de temps à consacrer à l'accompagnement de leurs clients.
En revanche, tout un versant de l'écosystème est largement ignoré par les entrepreneurs, alors qu'il se prête tout autant à des applications analytiques et qu'il est parfaitement mûr pour une révolution : le conseil de proximité, qu'il soit piloté entièrement par logiciel ou qu'il s'agisse d'« augmenter » – comme on dit maintenant – l'individu qui en porte la charge. Et, par opposition à ce qui précède, l'objectif considéré ici ne se réduit pas à une question de performance financière mais vise à aider le client à réaliser ses rêves.
La crise sanitaire offrait pourtant – et offre encore – aux acteurs de la distribution une occasion unique de replacer l'investisseur au cœur des préoccupations, notamment en travaillant sur l'expérience utilisateur. Ainsi, les médias nous répètent que, depuis le début de la pandémie, et surtout à partir de la mise en place de mesures de confinement, les consommateurs ont accumulé un niveau d'épargne inédit… mais quels établissements ont développé une stratégie pour les aider à « bien » répartir leurs économies ?
Le constat est identique en ce qui concerne les inquiétudes pour les portefeuilles existants que suscitent les mouvements plus ou moins erratiques des bourses. Au-delà de leur communication standardisée habituelle, faite d'analyses économiques génériques, quelles enseignes ont déployé des campagnes d'information personnalisées, en vue d'expliquer à chacun les impacts de la situation sur son épargne, l'évolution des risques susceptibles de l'affecter, assortis, le cas échéant, de recommandations pratiques ?
Je soupçonne en outre que les initiatives de « verdissage » des instruments mises sur pied ces derniers temps pour répondre aux demandes de plus en plus véhémentes de la part du grand public pour une finance responsable et respectueuse de l'environnement sont marquées d'un symptôme similaire : les labels et certifications fleurissent à la source, des produits dédiés sont conçus (et il faut s'en réjouir)… mais où sont les opérations contextuelles de sensibilisation et de promotion qui encourageront l'adoption ?
Au sein de la galaxie financière, le domaine de la gestion d'actifs paraît avoir la particularité de focaliser ses démarches d'innovation sur ses méthodes de production, au détriment des enjeux de la relation avec le client, pourtant primordiaux. Peut-être est-ce parce qu'une partie des métiers reposent encore sur des interactions humaines ou parce que les challengers (essentiellement les robots-conseillers) n'ont guère d'arguments à faire valoir en la matière. Mais persister à négliger cet aspect devient dangereux.