Paul-pris-dans-l'écriture, de Barbara Polla

Publié le 14 octobre 2020 par Francisrichard @francisrichard

Non, Barbara. L'essentiel est ailleurs. Il faudrait écrire sur l'écriture, plutôt. Parce que l'essentiel de ma vie créative, c'est l'obsession littéraire. La littérature, la recherche littéraire, les travaux littéraires.

Barbara Polla avait écrit un joli livre sur Paul Ardenne, ses travaux, sa pensée critique, ses rencontres et ses engagements, c'est-à-dire sur l'enseignant et l'universitaire reconnus. Elle a donc dû remettre courageusement l'ouvrage sur le métier...

(Extrême, esthétiques de la limite dépassée lui avait fait comprendre la nécessité absolue de l'étude des représentations artistiques, de leur histoire, de leur exégèse, de leur critique et l'avait engagée dans une vraie étude de l'art contemporain...)

L'ouvrage n'était pas inutile. Tel quel il a servi de base à celui-ci, où elle cite longuement Paul Ardenne1 dans ses inédits. Lui qui, dès ses douze ans, s'était dit qu'il serait écrivain, mais ne le serait vraiment que lorsque ses livres le choisiraient...

Au début, les mots importants pour Paul Ardenne sont:

- la crise, liée au désir de réalisation: il la pérennise volontairement;

- la pénétration dans l'écriture: elle seule permet l'incarnation;

- le "mon-corps" de tout un chacun: il est envisagé comme réalité, figure, élaboration; il faut se voir et se sentir;

- le singulier: la conscience du singulier seule permet l'épreuve radicale de l'autre;

- la mort ou plutôt écrire la mort: pour se consoler d'être mortel.

Le fait que les livres soient lus n'a finalement pas grande importance face à la nécessité d'écrire. Aussi a-t-il d'abord écrit pour écrire. Mais cela ne faisait pas de lui un écrivain. Il l'a compris quand il en est arrivé au stade du dégoût d'écrire.

Pour échapper à ce dégoût, il faudrait, dit-il, écrire une grande oeuvre qui soit à la fois une chronique du temps présent et qui le dépasse. Comme Honoré de Balzac. En attendant, il favorise aujourd'hui le plaisir d'écrire, qui est surgissement.

Ses dernières oeuvres - Moto notre amour, Comment je suis oiseau, Belly le ventre, Roger-pris-dans-la-terre - sont l'expression insigne de ce surgissement qui n'exclut pas le travail, bien au contraire, qui en dépend, en creuse le sillon.

L'auteure peut faire aujourd'hui de lui ce portrait: Il préfère écrire à s'occuper de littérature ou de mondanités. Il préfère l'écriture essentielle, l'écriture comme recherche, comme invention de soi, sans fin, sur un mode créatif plus qu'introspectif.

Francis Richard

Paul-pris-dans-l'écriture, de Barbara Polla, 128 pages, La Muette- Le Bord de l'Eau

1- Paul Ardenne est le nom qu'il s'est choisi; à la ville il s'appelle Bertrand Gervais.

Livres précédents de l'auteur:

Victoire, L'Age d'Homme (2009)

Tout à fait femme, Odile Jacob (2012)

Tout à fait homme, Odile Jacob (2014)

Troisième vie, Editions Eclectica (2015)

Vingt-cinq os plus l'astragale Art & Fiction (2016)

Femmes hors normes, Odile Jacob (2017)

Ivory Honey, New River Press (2018)

Le nouveau féminisme, Odile Jacob (2019)

Collectifs sous sa direction ou sa coordination:

Noir clair dans tout l'univers, La Muette - Le Bord de l'Eau (2012)

L'ennemi public, La Muette - Le Bord de l'Eau (2013)

Éloge de l'érection, La Muette - Le Bord de l'Eau (2016)

Livres de Paul Ardenne:

Comment je suis oiseau, Le Passage (2014)

Belly le ventre, La Muette - Le Bord de l'Eau (2017)

Roger-pris-dans-la-terre, La Muette - Le Bord de l'Eau (2018)