Exposée lors d'une conférence sur la blockchain, les cryptodevises et la FinTech, la démonstration est magistrale : partant d'une synthèse des principes fondamentaux d'une MDBC (« monnaie digitale de banque centrale »), qui lui permet au passage de dénoncer quelques mythes tenaces, T. Richards analyse et réfute un à un ses bénéfices supposés, ceux des acteurs qui lancent des expérimentations, ceux qui font écho au déclin des monnaies fiduciaires et ceux relatifs à l'émergence de nouveaux modes de paiement.
Le premier point d'appui de l'argumentaire est un constat évident : la monnaie électronique n'a rien d'original, elle existe déjà et est largement répandue et utilisée dans nos sociétés, notamment sous la forme de comptes détenus dans les établissements commerciaux, pour ce qui concerne les usages courants. Le seul changement dont il est question ici consisterait donc à introduire l'émission d'un instrument similaire par la banque centrale, à l'image de son rôle traditionnel avec les pièces et les billets.
Afin de remplir un tel objectif, de multiples options sont disponibles et, par exemple, rien ne contraint à sélectionner une architecture distribuée, de type « blockchain », plutôt qu'une approche centralisée ou à privilégier un modèle de tenue de compte par opposition à une logique de « token » (en dépit de son petit avantage en termes de fonctionnement hors connexion). Pour résumer, l'adéquation de la réponse aux besoins à satisfaire semble relativement indépendante des choix technologiques envisageables.
Ces principes étant posés, quels bienfaits les citoyens pourraient-ils attendre d'une MDBC ? Dans des pays émergents où les espèces restent la référence des échanges commerciaux, une alternative digitale accessible à toute la population représenterait un enjeu d'inclusion financière. Mais le raisonnement est inapplicable en Australie, et dans les autres régions développées, où la quasi totalité des individus disposent d'un compte bancaire, qui leur permet d'accéder à des moyens de paiement dématérialisés.
A contrario, un autre front d'offensive invoque la disparition progressive du cash dans les économies avancées, et les risques qu'elle induit, de renforcement de la fragilité des personnes qui en dépendent, de perte de confiance des consommateurs, de moindre résilience du système monétaire, de domination excessive des entreprises privées sur l'industrie du paiement… Mais, en réalité, une MDBC n'apporterait probablement pas de solution à ces faiblesses, en tout cas pas meilleure que ce qui existe déjà.
En effet, les plates-formes électroniques actuelles offrent un service suffisant, autant du point de vue de l'accessibilité que de la facilité d'usage et de la robustesse, qu'une version de banque centrale ne pourrait guère améliorer. Par ailleurs, les garanties sur les dépôts ont prouvé leur capacité à limiter la défiance du public. Enfin, les craintes pour la souveraineté, ainsi que sur la concurrence ou la protection des données personnelles et la vie privée, peuvent se résoudre, comme toujours, par une réglementation adéquate.
L'ensemble de la réflexion peut donner l'impression que la Reserve Bank of Australia, en préférant le statu quo aux paillettes des monnaies digitales de banque centrale, se révèle bien peu innovante. Au contraire, sa position est parfaitement limpide : l'étude rationnelle du concept ne lui permettant pas d'identifier une valeur significative (et il est difficile de lui donner tort), elle le place en observation, prête à se transformer en « suiveuse rapide » dans l'hypothèse où les pionniers en démontrent concrètement l'intérêt.