de Nina Bouraoui
Roman - 170 pages
Editions JC Lattès - janvier 2020
Sylvie, 53 ans, est une femme ordinaire, banale, discrète, qui bosse à la Cagex, une usine de caoutchouc. Une femme simple que l'on pourrait piétiner. Une femme que le mari vient de quitter, une mère qui élève ses deux enfants. Son chef, le condescendant et grossier Victor Andrieu, lui témoigne une confiance en lui demandant de participer activement au classement de ses collègues, en vue d'une restructuration. Elle s'exécute, comme elle le fait toujours. Un jour de novembre pourtant, elle agira différemment, elle fautera pour se retrouver en prise avec la justice.
Otages est un roman court, qui résonne dans l'époque actuelle mais évoque une prise d'otage d'abord psychologique, qui enferme grand nombre de femmes tant professionnellement que personnellement. Otages d'une vie non choisie, d'actes subis, elles plient le dos.
Extrait :
"Dans ce cas précis je déteste la nature. Je déteste ce qu'elle impose. On dit l'ordre de la nature, moi je la crois bien désordonnée la nature. Il nous manque un truc les femmes. Il aurait fallu une défense. Un truc dans le corps égal à leur sexe, à cette puissance-là. Qui nous donnerait enfin la confiance et donc le pouvoir. Les hommes gouvernent le monde car ils n'ont pas peur. Ils ont des ailes quand nous, nous piétinons dans la vase. Je pense souvent à mes petites abeilles. J'ai peur pour elles. les femmes ne disent jamais rien sur la violence, ne s'en défendent que rarement. Et je suis comme elles. Ne rien dire, porter le fardeau, se taire et puis un jour tout casser comme je l'ai fait."
L'écriture de Nina Bouraoui est délicate dans une progression du récit assez inquiétante. L'écrivaine ne parvient pas forcément à nous accaparer toutes les émotions, mais elle nous fait suivre cette femme qui a trop accumulé, elle nous conduit à sa révolte sourde - imprécise - et nous y souscrivons. Le roman prend fin avec une belle déclaration d'amour qui ici n'est pas signe de soumission, de domination, d'enfermement, mais tout au contraire de courage, de liberté et de sincérité. Elle n'est pas une victime.
"Otages" sous Le masque et la plume - FranceCulture
L'avis de Christl - ChristlBouquine