Un constat objectif sert de point de départ : les dernières statistiques publiées par la BCE, pour le deuxième trimestre, révèlent un taux moyen de rendement du capital (en anglais « ratio on equity » ou RoE) quasi-nul, soit le pire score enregistré depuis le début de son suivi officiel, en 2015. En outre, la valorisation boursière du secteur s'effondre constamment sur les 3 dernières années, ce qui reflète le manque de confiance des investisseurs dans la capacité des institutions financières à redresser la barre.
Selon les analystes, les causes de ces mauvaises performances sont, d'abord, la persistance des taux bas, qui met à mal le modèle économique historique, et, pour le facteur purement conjoncturel, la hausse des coûts engendrée par la crise (notamment par anticipation de la détérioration du risque de défaut sur les prêts). Et pour les établissements français toujours prompts à vanter leur approche universelle, les résultats de leurs branches d'investissement ne parviennent plus à compenser la tendance.
Le premier argument laisse sans voix ! Voilà maintenant quasiment 10 ans que les taux d'intérêt évoluent autour de planchers jamais observés auparavant, jusqu'à passer à l'occasion en territoire négatif, menaçant donc, par essence, la rentabilité des activités principales des banques (dépôts et crédits). Faudrait-il s'étonner que, au moindre accident de parcours, les marges aussi sévèrement réduites soient anéanties ? Je crois que, au contraire, une telle issue était inévitable, à un moment ou un autre de l'histoire.
La véritable origine du désastre en devenir est l'absence d'anticipation des responsables. Après une décennie de lamentation et malgré la conviction désormais largement répandue que les taux ne se redresseront pas à court ou moyen terme, les réponses des banques se sont strictement bornées à des ajustements superficiels, en particulier l'augmentation des frais et commissions sur les produits distribués… qui a naturellement ses limites, surtout dans un environnement de plus en plus concurrentiel.
La situation s'aggravant, la prochaine réaction que nous promettent les augures, et qui est déjà effectivement à l'œuvre en Espagne, serait un mouvement de concentration (dans l'hexagone, les rumeurs de fusion entre BNP Paribas et Société Générale refleurissent !). Je ne suis ni économiste ni gestionnaire, mais à systématiquement neutraliser des baisses de revenus en rognant sur les dépenses (par effet d'échelle, entre autres), je crains que l'organisation ne risque l'épuisement rapide de ses ressources.
Ne serait-il pas plus sain de rechercher de nouvelles sources de profits ? Autrement dit, ne faudrait-il pas miser sur l'innovation pour sortir du cercle vicieux ? Certes, le défi est considérable et il ne peut évidemment pas être relevé d'un coup de baguette magique. Mais l'impression que laisse l'industrie est que, une décennie après l'apparition de l'hypothèse de l'anéantissement de son « moteur » de rentabilité, elle n'a jamais réellement travaillé à lui trouver un substitut viable… et encore moins à le construire.
Dans ce contexte, il existe une certaine ironie à écouter des banquiers traditionnels se gausser (ou s'inquiéter) des startups de la FinTech et de leurs pertes chroniques et parfois abyssales. Celles-ci, au moins, savent pertinemment qu'elles devront un jour élaborer et implémenter un modèle économique bénéficiaire (de préférence exponentiel)… tandis que leurs critiques ne se sont pas rendu compte qu'ils devaient réinventer le leur…