Vous, vous êtes le regardant. D’accord? Le spectateur. Le visiteur. Et, devant vous, se tient l’œuvre d’art. Mais, en fait, ce que vous voyez là n’est qu’un petit bout de l’œuvre. Vous ne l’avez pas en entier! Ah? Pourquoi dis-je cela?
Parce que je sais que, sauf exception (j’y reviendrai), l’œuvre d’art montrée en lieu public n’est que l’aboutissement d’un long processus. Et je pense que -voilà l’important- ce processus fait partie intégrante de l’œuvre.
Conclusion? J’aimerais que soit montré (à décider sous quelle forme!) tout le travail en amont, et pas uniquement le résultat. Car c’est tout un ensemble. Nous aurions alors la totalité de l’œuvre. Et ça ferait une belle différence! Croyez-moi! D’abord, nous pourrions cent fois mieux apprécier l’œuvre finale, la « comprendre » (comme disent certains) si nous avions suivi les étapes de la réalisation.
Cette réflexion s’applique davantage à l’art (dit) contemporain. C’est vrai. Et en particulier aux jeunes plasticiens. Je parlerai quand même à ce sujet plus tard de tout autre forme d’art…
En guise d’exemple, je peux évoquer une sculpture du jeune Pier Sparta vue à Chagny (71) en août 2020. Une sculpture qui évoquait un fossile géant. Une énorme ammonite. Posée au sol. Belle en soi. Mais quand on apprenait sa mise en œuvre, elle gagnait de l’intérêt et transmettait soudain une émotion plus forte au spectateur. L’artiste avait creusé le moule dans la terre. Il y avait coulé du béton. Puis, avec force bras et engins, l’objet avait été péniblement déterré…Avant d’être transporté et exposé.
Vous imaginez aussitôt la scène. L’extraction de cette chose lourde et étrange…Jaillie de la terre. Une naissance difficile. Une apparition. Comme venue d’un passé lointain. Et l’équipe à la tâche, qui peine, qui s’applique autour de cette chose devenue précieuse. Unique.
Me suis-je fait comprendre? Mais les plasticiens contemporains accepteraient-ils de dévoiler comment ils fonctionnent? Pour l’instant ils préfèrent, je crois, montrer l’issue! Brute. Froide. Énigmatique. Et on attend de nous de ressentir quelque chose….Hum!
J’ai décidé de mettre sur page cette idée qui trotte dans ma tête depuis longtemps. C’est en m’intéressant au travail de Alice Anderson que j’ai sauté le pas. Pour sa candidature au Prix Marcel Duchamp 2020, elle expose au centre Pompidou des toiles géantes garnies de peintures géométriques. Toiles suspendues au plafond ou pliées et froissées dans un coin. Des vidéos montrent comment sont nées ces toiles.
C’est lors de danses-performances que ces toiles sont réalisées. Je n’entre pas dans le détail. Mais l’idée est là. Des gestes, des mouvements, des déplacements, des rythmes ont abouti à ces objets. Ils ont été générés par les performances. Celles-ci sont « fécondes ».
Même si c’est artificiel, mis en scène, monté de toute pièce, joué, théâtralisé, le concept existe. Et c’est bien!
J’ai malheureusement loupé les performances. Je n’ai vu que les toiles. Qui ne présentaient qu’un piètre intérêt sans …. ce qui les avait devancé!