Heureusement, l'ajout n'est pas aussi artificiel qu'il peut y paraître en évoquant l'inspiration asiatique et la banque met judicieusement en avant les usages qui rendent la nouvelle fonction extrêmement pertinente. En effet, au-delà des capacités habituelles de ces plates-formes – échanges de textes, de vidéos, de « stickers », de « stories »…, entre utilisateurs ou au sein de groupes –, il s'agira plus largement d'accompagner les utilisateurs dans leur expérience individuelle et collective de l'univers Tinkoff.
La messagerie trouvera ainsi une place particulière au moment de distribuer aux amis les tickets de cinéma commandés, transmettre les détails d'une réservation au restaurant… depuis l'application où la transaction a été enregistrée. Par ailleurs, un module de paiement est directement intégré à la messagerie (et à la banque, naturellement), grâce auquel il deviendra facile d'exécuter des transferts d'argent, de partager le reçu d'une dépense et de réclamer aux participants leur contribution à un achat groupé.
Très rapidement, un chatbot proposera également ses bons offices via la même interface, par exemple pour la recherche et la surveillance des tarifs d'un vol via le module dédié au voyage. La messagerie devrait ensuite être généralisée dans toutes les applications de Tinkoff, en lui incorporant des options adaptées à chacune d'elles. Par exemple, dans celle dédiée aux entreprises, la création de groupes de collaborateurs autorisera les échanges professionnels internes aux côtés de l'accès au support de la banque.
De cette description sommaire – qui est une projection vers l'avenir, car, à ce stade, seuls les discussions et les paiements entre personnes sont opérationnels – émerge clairement une stratégie qui ne se contente pas de copier les composantes d'un succès étranger mais qui est avant tout sous-tendue par une véritable ambition de capitaliser sur des recettes connues dans le but d'accélérer la croissance. En l'occurrence, la messagerie financière, telle qu'elle est envisagée par Tinkoff, constitue dans le même temps un embryon de réseau social capable de démultiplier la portée de la marque.
Elle pourrait alors représenter le chaînon manquant de la transition de son modèle bancaire vers une plate-forme « digitale » multi-services : l'absence initiale de légitimité de ce mouvement pour la majorité de la population (les non clients de l'institution financière) – que j'ai fréquemment soulignée par le passé – se verrait compensée par la propagation virale de ses nouvelles activités à travers un outil de communication contextualisé. Pour couronner le tout, si l'absorption de Tinkoff par Yandex, le Google local, est validée, il ne resterait plus guère d'obstacles au succès de cette mutation.