Le radeau de la Méduse
Ils sont là, en salle de restaurationde retour après 10 semainesd'absence...dix semaines de confinement,dans le cachotde leur studioIls se regardent, les uns les autrescertains le visage vide...non, ils croient qu'ils se regardentillusion, ce n'est qu'une illusion.
Il n'y a personne qui regarde
la vie n'est plus làelle s'est absentée de leurs yeux,a effacé leur histoire, leur destin.Comment s'accommoder de ce rien?Comment retrouverla vie en communauté?
Elsa, figée sur sa chaisen'arrive pas à décrypter ce qu'elle ressentelle cherche un fil conducteur pour recréer du lienpour donner un nouveau sens à ce qui n'en a plus.Après son passage dans ce no mans land de l'isolementses repères ont fondus dans un temps inconnuqui vient de marquer sa chair au fer rouge.Elle cherche des indices, veut capter des mots.Quel est ce lieu soigneusement clôturé, sans nomoù on les a isolés, parqués ?
Le trottoir de la rue qu'elle voit derrière les grilles du parking,est un mirage, celui de la réalité d'autrefois...Les mots n'existent plus; elle veut s'aider d'une image.C'est celle du radeau de la Méduse qui s'impose,ainsi qu'une tristesse inexplicable.Elle sait qu'il n'y aura jamais de traces palpablesde ce qu'ils ont vécu, de ce qu'ils vivent encore ;visibles dans son cœurdans celui de ses compagnons de route.
Le stylo à la main, comment écrire sur le rien, faire l'éloge du peu.
Impossible: c'est vraiment terre inconnue.Elsa décide de monter sur le radeau de la Méduse.Accepter est la seule issue possible pour elle.
Mais elle serre fort contre son ventre ce qu'elle sait.Elle sait qu'elle n'acceptera jamais de perdreson humanité, sa dignité.
Nicole Digier 29 mai 2020
**************