Deux types d'histoires peuvent être racontés dans le storytelling d'entreprise. Certains disent qu'il y en a sept, d'autres plus encore... Moi, je veux faire simple : donc, c'est deux. Pas besoin de créer des usines à gaz. L'important, c'est de pouvoir faire du storytelling, facilement, le plus souvent possible. Time is money, time is story.
Les deux types d'histoires en entreprise :
Une histoire de performance. La recherche de la performance et les objectifs qui vont avec, assignés aux équipes.
- Le storytelling de l'apprentissage
L'entreprise apprenante et ses salariés qui progressent avec elle.
Deux récits imbriqués l'un dans l'autre :
Vous allez me dire : ben, toutes les entreprises veulent être performantes. Elles doivent l'être, même. Evidemment, toute entreprise doit vendre. C'est vital. Rien d'extraordinaire dans cette phrase.
Mais il y a une différence entre une entreprise qui a pour objectif principal, prioritaire au premier plan, la performance... Et une entreprise qui veut vendre, certes, avec des objectifs ambitieux même, mais qui a avant tout pour objectif de grandir en terme d'expertise.
Les conséquences du choix de l'une ou l'autre de ces tactiques :
C'est un positionnement, d'histoire, de storytelling, mais aussi d'entreprise. Il engage donc sur la durée.
- les forces et les faiblesses de l'entreprise : un produit unique en son genre, sans vraie concurrence et fruit de l'ingéniosité des équipes peut justifier un axe performance.
- les caractéristiques de son marché : une concurrence féroce avec un produit à faible technicité ou à faibles coûts d'entrée sur le marché peut justifier une volonté "d'écraser" la concurrence, là aussi avec un axe performance.
L'histoire axée sur la performance répond plus à une logique de court-terme, l'apprentissage s'inscrit davantage sur le long terme et vise à donner à une entreprise des fondations solides pour affronter non seulement la concurrence aujourd'hui mais les évolutions du marché demain.
Dans les deux cas, une même ambition ultime : comme on dit dans Koh-Lanta, "à la fin il n'en restera qu'un". Un peu utopique, peut-être, mais pas tant que ça finalement : l'objectif est de dominer, autant que faire se peut.
Conséquence encore : dans une histoire d'apprentissage, il va falloir accepter, et intégrer, que les performances seront moindres que dans une stratégie de performance. Hors de question, donc, d'affirmer des objectifs d'apprentissage pour les employés, et de baser les récompenses sur les performances. Logique ? Oui, mais plein d'entreprises disent A et récompensent B, cette folie est très courante. Et cela génère d'autres histoires dans l'entreprise, pas très positives et handicapantes, pour ses performances, justement !
Dans toute entreprise, il y a trois sortes d'employés :
- ceux qui ont des performances médiocres
- ceux qui ont des performances qui se caractérisent par leur constance (à un niveau satisfaisant)
- ceux qui surperforment
Il n'y a pas de mystère.
Dans un storytelling de performance, le manager va devoir centrer ses efforts, son soutien, son accompagnement sur ses collaborateurs qui ont de bonnes performances. S'il consacre trop d'énergie à essayer de ramener les performeurs médiocres sur le droit chemin, il n'atteindra pas ses objectifs et son équipe non plus. Je le précise : ce n'est pas juste le manager qui travaille pour lui-même, il a aussi des responsabilités envers son équipe.
Dans un storytelling d'apprentissage, il y aura des fenêtres pour les employés médiocres, pour s'améliorer, progresser. Bon, si la médiocrité persiste, à un moment donné, même dans une entreprise apprenante, certaines décisions peu agréables devront sans doute être prises.
C'est aussi un choix à faire de la part des salariés : en sachant quel est son niveau professionnel réel, il faut savoir où on met les pieds, ne pas s'engager dans l'impasse d'une entreprise axée sur la performance, quand on est borderline au niveau des compétences et de son éthique à l'égard du travail.
Est-ce que cette dualité narrative est uniquement valable pour le management ?
En y réfléchissant de plus près, on peut aussi voir dans cette structuration du storytelling des applications au marketing, aux marques. Cela mériterait un article à lui tout seul. Mais oui, au delà de la recherche d'un succès commercial, toutes les entreprises et tous les marchés n'ont pas la même approche. L'apprentissage dont on a parlé à l'intérieur des entreprises peut être rapproché d'une marque qui, en plus de vouloir vendre, cherche à constituer une communauté de fans (c'est le côté apprenant : apprendre à mieux se connaître dans le cadre d'une communauté que l'on construit), ou tout simplement qui cherche à donner de la voix à ses clients dans un cadre participatif d'enrichissement mutuel (user generated content, crowdsourcing etc.).
Je vois beaucoup moins, par contre, d'application possible dans le secteur non marchand, celui des associations par exemple. La recherche de performance (de donateurs) va l'emporter systématiquement, même s'il y a aussi une part d'apprentissage, d'enrichissement au contact de ceux que l'on aide.
Pourquoi cette approche du storytelling est-elle utile ?
Raisonner sur la base de ces deux types d'histoires ne signifie pas que l'on a un storytelling sclérosé, statique. Les autres approches qui envisagent plus de types d'histoires peuvent tout à fait se fondre à l'intérieur de cette structuration du discours narratif. Ma façon de sérier les choses permet d'avoir plus de recul par rapport à l'histoire que l'on veut construire. Il est en effet facile de faire du storytelling en ayant le nez dans le guidon, et relever la tête un jour en se demandant "mais où est-ce que je vais au juste ?". Et de s'apercevoir qu'on est en train de partir dans tous les sens et qu'on a perdu nos clients sur le chemin.
Chez Storytelling France, nous travaillons à fond là dessus dans nos activités d'audit et de conseil stratégique : donner du sens au storytelling, pas uniquement en faire pour en faire, parce que ce serait tendance et que tout le monde en fait. Est-ce que ce n'est par là qu'il faudrait toujours commencer ? Je pense la question, elle est vite répondue...