La jeune femme au vélo s'est embourbée dans le sable
Dans ma chambre d'ado, des posters sur les quatre murs. Madonna, les Rita, Niagara, Bananarama, A-ha, beaucoup d'artistes finissant en A. Et d'autres, Téléphone, Dire Straits, Wham, Kim Wilde. Assis en tailleur sur le carrelage froid de la salle à manger, le casque sur les oreilles, je tourne le bouton du tuner et choisis une station musicale. J'insère une cassette, la bande calée sur les dernières notes du dernier morceau enregistré. J'attends que l'animateur ait terminé de parler, j'appuie sur REC, j'enregistre ma chanson. Je peste souvent contre l'animateur qui parle sur ma chanson. Alors je rembobine et j'attends qu'une autre radio programme le titre. Le jour-même ou le lendemain. Sur les jaquettes cartonnées blanches constellées de points de suspension, je note le contenu de mes compilations fait maison. La cassette achevée, je casse le petit carré de plastique qui m'empêche d'enregistrer par dessus par erreur. Et quand je veux la ré-enregistrer, je colle deux bouts de scotch et le tour est joué : l'appareil croit lire une cassette vierge.
Quand je n'enregistre pas mes cassettes, j'attends l'heure du jeu-concours, je compose le numéro de téléphone de la radio locale et souvent je gagne. Mon adolescence est palpitante.
Sur ma Peugeot 104 SP bleue, je grimpe la côte qui traverse les bois sur les hauteurs de Prigonrieux à sept kilomètres à l'ouest de Bergerac. Au bout du chemin de terre, une petite maison abrite l'antenne locale de la radio qui diffuse la bande-son de mon adolescence. Je toque à la porte et m'enquiert du 33 tours gagné au jeu-concours. Sur la pochette du vinyl Polystar 8, la jeune femme au vélo s'est embourbée dans le sable. Elle est bien embêtée. Elle ne sait lequel des "16 super hits enchaînés" choisir pour chasser son humeur chagrine.
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Participation au jeu #IWAK proposé par Kozlika