Après « Mon père », livre percutant proposant le face-à-face entre un prêtre accusé de viol et le père de l’enfant victime, l’auteur de « La Liste de mes envies » change totalement de registre. Derrière cet étrange titre, tiré d’un poème de Louis Aragon écrit en hommage au poète Federico Garcia Lorca, assassiné en 1936 au début de la Guerre d’Espagne par des miliciens franquiste, Grégoire Delacourt se nourrit de la colère des « Gilets Jaunes » pour peindre une fresque sociale en plusieurs couleurs.
Malgré cette couleur jaune en toile de fond, restituant le ras-le-bol de la France « d’en bas », l’auteur livre un message d’espoir, plein de tendresse et de poésie, emmené par des personnages hauts en couleurs que l’on quitte avec regret. Le plus attachant est indéniablement Geoffrey, un autiste surdoué de treize ans qui ne supporte aucun contact physique et multiplie les crises. Il y a ensuite Pierre, son père, vigile à mi-temps dans un supermarché, qui incarne les frustrations et la colère du peuple. Pour compenser les faiblesses de ce père, il y a Louise, sa femme, mère aimante et infirmière dévouée dans un service de soins palliatifs.
« Un jour viendra couleur d’orange » est aussi une histoire d’amour entre ce gamin emprisonné dans un monde de chiffres et de couleurs et Djamila, une maghrébine de quinze ans à la peau caramel et aux yeux vert Véronèse, que ses frères cherchent à emprisonner dans un islam radical. Si chacun détient la clé pour libérer l’autre, ils peuvent également compter sur Hagop l’arménien, ermite forestier, dont la cabane au fond des bois fait penser à celle de Francis Cabrel… celle qui invite à faire soi-même le mélange des couleurs.
« Tout le monde le sait, un groupe humain se constitue par l’exclusion d’une ou plusieurs personnes. Un groupe d’élèves c’est pareil. Ainsi les amitiés se façonnent-elles sur le dos d’un gros, d’une grosse, d’un moche, d’une moche, d’un bigleux, d’une bigleuse, d’un étranger, d’une étrangère. »
Collant à l’actualité sociale et abordant des thèmes forts, tels que le harcèlement, le racisme, la différence, la précarité, l’injustice sociale, la mort et l’amour, Grégoire Delacourt livre un récit profondément humain, ainsi qu’un texte poétique de toute beauté.
Un jour viendra couleur d’orange, Grégoire Delacourt, Grasset, 272 p., 19,50€
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