Grand frère – Mahir Guven

Publié le 02 octobre 2020 par The Cosmic Sam @thecosmicsam

Je vous retrouve avec un nouvel avis lecture concernant le livre « Grand Frère » de Mahir Guven : un roman social malheureusement d’actualité qui aborde le sujet de l’endoctrinement religieux et du départ de jeunes pour la Syrie afin d’accomplir le « Djihad ».

Un sujet sensible abordé avec beaucoup d’émotions et d’humanité.

Le livre : « Grand frère« 

Crédit photo : L&T

L’auteur : Mahir Guven est né sans nationalité, de mère turque et de père kurde réfugiés en France, et apatrides. Il a donc attendu ses 10 ans pour avoir une identité nationale. Turque d’abord, française ensuite. Après des études de droit et d’économie, et une expérience dans le monde du conseil, il débute une carrière de journaliste. « Grand frère » est son premier roman. Il a obtenu le prix Goncourt du premier roman, le Prix Première et le Prix Régine Deforges du premier roman.

Le résumé : « Grand frère est chauffeur de VTC. Enfermé onze heures par jour dans sa  » carlingue « , branché en permanence sur la radio, il rumine sur sa vie et le monde qui s’offre à lui de l’autre côté du pare-brise. Petit frère est parti par idéalisme en Syrie depuis de nombreux mois. Engagé comme infirmier par une organisation humanitaire musulmane, il ne donne plus aucune nouvelle. Ce silence ronge son père et son frère, suspendus à la question restée sans réponse : pourquoi est-il parti ? Un soir, l’interphone sonne. Petit frère est de retour ».

Mon avis : Très bonne surprise avec ce roman de Mahir Guven, primo-romancier que j’ai découvert grâce à une amie qui m’a prêté ce livre.

Dans « Grand Frère », on partage un bout de la vie de deux frères très différents, mais pourtant unis comme les doigts de la main, qu’un terrible évènement va définitivement séparer :

  • d’une part, il y a le frère aîné, nommé « Grand frère » dans le roman, rompu aux conneries. Il enchaine trafics et « go fast » pour se faire de l’argent facile et sortir de sa banlieue ;
  • d’autre part, il y a ce frère cadet, « Petit frère », plus calme, curieux envers tout et tout le monde, désireux de faire changer les choses via sa vocation d’infirmier.

Ces deux frères, tiraillés par le mélange des cultures et des religions qui les caractérise (mère bretonne issue d’une famille aisée de tradition chrétienne, père syrien qui a fuit son pays et dont la seule religion est le communisme au contraire de sa propre mère qui est une fervente musulmane), sont en quête d’identité et d’amour (leur mère est partie trop tôt et leur père sait trop bien taire ses sentiments). Ils vont donc prendre des chemins opposés et, contre toutes attentes, Petit frère disparaît du jour au lendemain pour la Syrie, laissant derrière lui ce qui reste de sa famille.

Ce départ bouleverse son grand frère bien plus qu’il ne voudrait l’admettre. Ce dernier va arrêter les plans galère et endosser un costume de chauffeur VTC pour déambuler, amer, dans les nuits parisiennes à la recherche de rédemption, de stabilité ou dans l’espoir de croiser une silhouette familière.

Grand frère nous raconte, avec des mots qui lui ressemblent, sa vie, ses désillusions, les cauchemars qui l’accompagnent chaque nuit et que seule la « weed » parvient à enfumer. On partage le quotidien de sa profession de chauffeur, une des seules qui s’offre à ces jeunes de quartiers défavorisés victimes d’un ascenseur social en panne.

Malgré son franc-parler, son argo et ses airs de dur que rien ne touche, Grand frère se livre sur son intimité. On y lit entre les lignes sa douleur d’avoir perdu son cadet dont il ne sait plus rien. Car c’est bien cette impression d’être dépossédé d’une partie de sa chair et de son sang, cette incompréhension des motivations de son frère qui le ronge.

Parallèlement, plusieurs chapitres du livre donnent voix à Petit frère, l’idéaliste, afin de comprendre sa décision et ses révoltes.

Si les deux personnages sont intéressants, j’ai trouvé celui de Grand frère particulièrement authentique et sincèrement attachant.

Je ne veux pas trop en dévoiler sur l’histoire, mais le roman se penche sur la question du pardon, de la réintégration et aborde la radicalisation sous un jour différent, moins manichéen. Je précise sur ce point que le djihadisme est, selon moi, abordé de façon superficielle, l’intrigue tournant principalement autour des sentiments et de la vie de « ceux qui restent ».

Alors que j’avais peur d’être un peu déçue par une chute cousue de fil blanc, j’ai été agréablement surprise par la tournure aux airs de « thriller » que prend peu à peu l’intrigue jusqu’aux dernières pages.

L’écriture de Mahir Guven est sincère et sans chichi. Ce dernier sait de quoi il parle, né apatride d’un père kurde et d’une mère turque, il a – en outre – réalisé beaucoup de recherche sur le monde des chauffeurs VTC, ainsi que sur les départs pour la Syrie. On le ressent d’ailleurs dans le réalisme de son histoire.

En bref : Un premier roman très réussi qui saura parler à beaucoup et qui brise un peu le tabou qui s’est développé autour des départs de jeunes français pour la Syrie.

Le thème abordé par ce roman vous intéresse ? Vous avez envie de le lire ?