L'arrestation de Radovan Karadzic, le leader des serbes de Bosnie, après pas moins de treize ans de cavale est assurément une bonne nouvelle. Si elle ne règle pas tout et ne change rien au passé douloureux, elle a le mérite de redonner vie à une certaine idée de la justice. Puisse la justice des hommes se servir de ce parcours et de cette tragédie pour grandir un peu... et non pas se contenter d'affubler ce criminel de tous les maux.
Car il sera du devoir du Tribunal International d'établir clairement son rôle, son pouvoir, sa responsabilité dans les agissement peu contrôlés des serbes de Bosnie. Principalement sur deux théâtres d'opération : le siège de Sarajevo et le massacre de Srebrenica (8000 victimes civiles). Au total ce sont pas moins de 20 000 morts essentiellement civils dont il faut évoquer la mémoire.
Il faudra comprendre comment ce psychiatre bien installé, à défaut de bien implanté dans la capitale bosniaque, a ainsi basculé dans la barbarie. Lui en charge des joueurs du FC Sarajevo allait bientôt ordonner de tirer sur la foule en toute impunité, coordonner l'action des snipers et jouer avec les forces internationales présentes sous couvert d'un pseudo intérêt humanitaire, ou rire des parties de foot acharnées, avec des têtes humaines, de ses comparses imprégnés de slibovic.
Dans le chaos, lorsque tout devient permis au plus fort, il se sera distingué, son charisme, sa haine viscérale, son nationalisme exacerbé l'auront mené au sommet du commandement. Mais au-delà de ses qualités personnelles, il ne faudra pas oublier la foi aveugle de tant de ses combattants envers celui qui représentait aussi une frange entière de la population, de sa culture, de son histoire. Non Karadzic n'a pas tué les 260 000 victimes du conflit des balkans. Comme Hitler en son temps, il serait bien réducteur de se dédouaner à peu de frais sur un seul homme qui a mal agit c'est sûr, mais qui, pire, a incarné quelque chose à des milliers d'autres. Du reste ses 13 ans de cavale, suprême insulte à une force internationale incapable de le localiser, ont montré les nombreux soutiens dont il a fait l'objet bien après que ses crimes soient dévoilés. La Russie en personne n'oublie pas son amie intime la Serbie et proteste déjà de son arrestation avant que l'on découvre sans doute qu'il aura passé quelques planques en territoire russe.
Extermination, viol, torture, assassinat, il n'aura rien oublié de sa panoplie de monstre qui faisait régner la terreur autour de Sarajevo. Mais comme disait Voltaire, "le fanatisme est un monstre mille fois plus dangereux que l'athéisme philosophique". S'il doit y avoir un procès (avant qu'il ne meure malade ou suicidé), c'est celui du fanatisme qu'il faudra ériger et ne pas vouloir juste faire un exemple d'un ex roi déchu de Pale. Trois ans lui auront certes suffit pour, profitant des circonstances, se hisser parmi les personnages les plus abjects de notre fin de siècle. Mais cette guerre n'était pas juste une guerre de conquête, c'était surtout une guerre de destruction de l'autre, de son existence même. On ne peut accuser seul Karadzic d'avoir fomenté la disparition d'un peuple, d'une ethnie au profit d'une autre.
D'autant que certains de ses accolytes courent toujours à l'instar de l'infâme Mladic, l'exécutant des basses oeuvres, son chef d'état-major adjoint a bien du sang sur les mains mais il passe encore a travers les mailles d'un filet bien lâche, et la lâcheté ce n'est pas ce qui a vraiment manqué durant cette période et en ces lieux. La communauté internationale n'ayant que peu de leçons à donner en l'état, Karadzic n'était il pas un dirigeant reconnu des serbes de Bosnie avec qui il fallait négocier ?
Pour autant son arrestation est un signe. Pour ceux de Sarajevo, assiégés, en 1992 (à 1h30 d'avion de Paris), privés d'eau, de gaz, d'électricité, bombardés, abattus. Ce sentiment d'abandon, pas forcément édulcoré par la présence volontairement timide de l'ONU, s'est alourdit tout au long de ces treize longues années. Au point qu'ils étaient peu nombreux les bosniaques à croire qu'un jour viendrait, un de leur bourreau serait arrêté, juste reconnaissance de leur souffrance et de leur malheur.
Le nouveau gouvernement serbe pro-européen s'est engagé dans une voie diplomatique et démocratique fort louable. Le peuple serbe a ainsi l'occasion de s'inscrire en faux d'avec le passé et ses errements nationalistes. Si l'Europe peut les y aider, ce sera une belle action et un pas dans la bonne direction, celle qui faisait dire à André Frossart "L'Europe cherche, avec raison, à se donner une politique et une monnaie communes, mais elle a surtout besoin d'une âme."http://www.blogonautes.com/maj/40301-831f521f69721ffa54a05bb45aaad982
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