Chaque mois, dans ses 10 derniers jours, tout comme je le fais pour le cinéma (dans ses 10 premiers) et tout comme je le fais pour la musique (vers le milieu) je vous parle de l'une de mes trois immenses passions: la littérature.
Lire, c'est accepter de plonger dans un nouveau monde, un nouvel horizon, un nouvel univers, un nouveau courant de pensée, une nouvelle culture. C'est apprendre sur soi et sur les autres. C'est ouvrir ses sens. C'est confronter son monde à celui d'un(e) autre. Pour moi, traducteur, ce n'est pas complètement travailler. C'est une seconde nature puisque je lis tout le temps, partout. Sans trop d'efforts. Et apparamment vite.
Certains de ces livres me marquent à jamais. Je vous en jase.
Lire c'est apprendre à respirer différemment. Et respirer, c'est vivre.
CHRONIQUES MARTIENNES de RAY BRADBURY
Entre 1946 et 1952.
Ray Bradbury écrit des nouvelles dystopiques impliquant la planète mars et ses habitants et elles sont publiées dans des magazines.
Doubleday & Co. publie les nouvelles de Ray Bradbury réunies autour de cette période sous un seul titre. Le critique Christopher Isherwood, très respecté dans les années 30-40, fera une critique fort élogieuse de son livre et il deviendra bestseller. Les chroniques seront republiées par plusieurs autres maisons d'éditions aux travers de époques, et presque toujours modifiées par l'auteur, qui rajoute des interstices de deux ou trois pages faisant des liaisons entre les narrations. La copie originale, sans les interstices de deux trois pages ajoutées par l'auteur lui-même, est aujourd'hui un objet rare et de collection.
Les Chroniques sont un condensé des histoires que Bradbury vendaient aux magazines. Inspirées de Winesburg, Ohio de Sherwood Anderson et de The Grapes of Wrath de John Steinbeck, Bradbury écrit des histoires, toutes impliquant la planète Mars et ses prétendus habitants. Les nouvelles sont toutes "fermées" (elles ont une conclusion), mais sont aussi des épisodes de ce qui pourrait être vécu en séquences et feraient un excellent film chorale. Structuré en trois parties, le livre est ponctué de deux catastrophes: la presqu'extinction des martiens de la planète mars, et en parallèle, la presqu'extinction de la race humaine.
Le premier tiers explore les humains tentant de rejoindre, d'entrer en contact, de découvrir des martiens. À la nouvelle And the Moon Be Still Be Bright, il est révélé qu'à la quatrième expédition de la race humaine, les martiens ont tous péri en raison d'un virus importé par une exploration de terriens précédente. Ceci ouvre la seconde partie qui nous présente les humains colonisant la planète mars, rencontrant quelques fois des survivants, mais étant surtout préoccupés par l'idée de ne pas recréer les erreurs de la planète terre. En Effet, la terre, au même moment, est sur le point de vivre une guerre mondiale. Plusieurs choisissent de retourner sur terre pour faire éviter cette guerre ou encore y participer. Une guerre nucléaire terrestre coupe alors tout contact entre la terre et Mars.
Le troisième et dernier acte parle de l'après-guerre, les derniers survivants humains devenant peut-être martiens...ou serait-ce l'inverse?...
En Angleterre, la collection de nouvelles, inventives mais aussi souvent drôles, est publiée sous le titre de The Silver Locust avec quelques modifications. L'histoire The Fire Balloons étant ajoutée et l'histoire Usher II y cédant sa place. La version espagnole est précédée d'un prologue du grand écrivain argentin Jorge Luis Borges.
En 1979, Bantam Books publie une version qui est aussi illustrée par moments.
En 1997, on ajoute des dates pour chaque histoire, présentant l'action se déroulant entre 2030 et 2057. (donc dans 10 ans!!!).
Les écrits de Edgar Burroughs Rice ont eu une influence importante sur le jeune Bradbury. Et la trace spéculative de l'auteur y est évidente.
Ce que Bradbury imagine alors de la planète Mars, et qui est partagée d'histoires en histoires, est un décor relativement désert traversé de gigantesques canaux construits par une civilisation ancienne afin de faire circuler de l'eau vers des pics polaires glacés. Cette idée étant empruntée aux calculs de scientifiques du 19ème siècle.
L'éminent Carl Sagan dira que la planète Mars est devenue l'arène sur laquelle la race humaine projette ses peurs et ses ambitions. Un mythe. Peut-être aussi, une chimère.
Ray Bradbury épousera à 100% cette idée avec ses forts divertissantes Chroniques Martiennes. Toutes très courtes, ce qui rend la lecture fort agréable et les occasions de le faire régulières puisque certaines prennent moins de 5 minutes à lire (en attendant que madame se maquille), d'autres une quinzaine de minutes (en attendant que sa plus jeune finisse de travailler) d'autres une dizaine de minutes (en faisant ce qu'on a à faire à la salle de bain) et ainsi de suite.
Plus fantaisistes que science-fiction, malgré les années, le livre vieillit très très bien.