Tiffany McDaniel – Betty

Par Yvantilleuil

Dans ce roman de 720 pages, qui a remporté le prix Fnac 2020, Tiffany McDaniel s’inspire de la vie de sa mère, pour livrer une fresque familiale poignante.

Si Betty Carpenter est née en 1954 dans une « baignoire vide à pieds de griffon », le récit débute par la rencontre de ses parents, un Cherokee bienveillant à la peau sombre et une Blanche psychologiquement instable, dans un cimetière. Une romance qui débute dans un lieu pour le moins incongru et qui se termine avec une fratrie de huit enfants dans une maison en ruine, et que l’on prétend maudite, dans un bled perdu du sud-est de l’Ohio. Malgré les drames familiaux qui empoisonnent son quotidien et les humiliations qu’elle subit à l’école à cause de sa couleur de peau métissée et de la classe sociale dont elle est issue, Betty se raccroche aux histoires inventées par son père, qui lui permettent d’échapper à la réalité, tout en enterrant ses traumatismes dans un bocal vide au fond du jardin… en espérant qu’ils disparaissent à tout jamais.

« Betty » est l’histoire d’un passage à l’âge adulte dans une bourgade rurale américaine des années 60-70. Une enfance rendue difficile par un teint mat stigmatisé et par un contexte familial douloureux, à une époque où le simple fait de naître « fille » suffisait déjà à vous condamner à vie. En invitant à suivre les pas de cette gamine courageuse, à la fois héroïne et narratrice du récit, ce roman se veut également foncièrement féministe, à l’image de ce pantalon que Betty décide d’un jour mettre à l’école, revendiquant l’égalité des sexes… ne fût-ce que vestimentaire.

Malgré des thèmes sombres, tels que le racisme, le suicide, le viol, l’inceste, le handicap, la dépression, le harcèlement et la pauvreté, cette saga familiale se veut néanmoins lumineuse et poétique. Au cœur de cette noirceur et de cette famille dysfonctionnelle, Betty peut en effet se raccrocher à l’amour inconditionnel de son père. Ce dernier lui transmet non seulement un héritage culturel rempli de bon sens et de respect de la nature, mais il trouve surtout toujours les mots adéquats pour soigner ses maux. Inventant des mythes d’une beauté exceptionnelle, il parvient à embellir la réalité, plongeant le lecteur dans un monde poétique et fantastique, le tout rehaussé par la prose élégante et très imagée d’une autrice américaine qui parsème ce bijou littéraire de métaphores puissantes !

Une héroïne inoubliable, qui ne manquera pas d’aller rejoindre Turtle (« My absolute darling »), Lucy (« Lucy in the sky »), Nellll et Eva (« Dans la forêt »), Tracy (« Sauvage ») ou la petite Kya (« Là où chantent les écrevisses »).

Betty, Tiffany McDaniel, Gallmeister, 720 p., 26,40 €

Ils en parlent également: Mes échappées livresques, Au fil des livres, Charlotte, Aude, Revanbane, Aurélie, Monica, Malicia, Charlotte, Anita, Books moods and more, Coraline, Librairie L’Odyssée, Librairie St-Christophe, Plumes et pages

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