Je me plonge depuis depuis quelques semaines dans des textes de poésie produits par des auteurs depuis le Bénin. La faute à Jean-Paul Tooh-Tooh, écrivain et critique littéraire, qui m'a introduit dans le champ de la poésie béninoise, au travers d’articles publiés sur la plateforme Chroniques littéraires Africaines.
Esther Doko fait partie de cette communauté très dynamique qui compte de plumes belles et engageantes. Par son recueil de poésie Par la sueur de mon suaire, elle nous livre une poésie intimiste. En première lecture, j’ai relevé la dimension sensuelle de certaines descriptions. L’intime est plus vaste que l’érotique. Il faut avant tout voir dans ce recueil de poésie une mise à nue à un moment singulier de la vie de la poétesse : la mort de son père.Le chaud et le froid
Elle se met à nu. Peut-être qualifie-je un peu rapidement sa poésie. Les premiers poèmes de ce recueil nous plongent dans cette dualité. Le fait est que la poétesse semble lâcher prise, céder à la nécessité de s’exprimer par le biais de sa plume pour dire ses doutes, ses questions, ses incertitudes.« Ma plume c è d e bruissement de mots foison de doutesSous la froideur de mes chuchotements tes caresses m’emplissent Puis… » (p.6, éd. Tamarin)
En même temps, on peut y lire un élan de sensualité auquel elle cède et qui l’entraîne dans un tumulte et l’exploitation de ses ternissures. Cette première partie, Névrose, explore un deuil.
J’aime les insécurités de ce dévoilement. Exprimée ainsi, ma parole pourrait paraître mesquine. Comme un vampire, le lecteur se délecte des atermoiements de la poétesse. Mais ce n'est pas cela. Même si le propos d'Esther Doko exige un effort pour accéder à son propos, elle a le mot juste, elle n'est pas en démonstration. Vous comprendrez le sens de mon discours dans de prochaines chroniques.« J’ai su l’amour en tes lèvres Rosace de nos cœursJe nous apprends en leurs profusions J’ai cru l’amour en tes lettres Qui t’épellent ... m’appellentJe t’ai cru » (p.24, éditions Tamarin)
Le final du poème ci-dessus est tellement chargé de doute… On se questionne donc. Dans le fond, le lecteur ne peut éviter l’interpellation qui n’en est pas une. La poétesse se parle à elle-même et un autre à définir. Un autre qui semble trahir. La sensualité de ce poème nous dit aussi toutes les possibilités de la poésie qui peut prendre une forme érotique.
« Eraflures de désirsAu confluent des draps Nos mains se défientde tous ligaments effusions entrecoupées Nos collisions se précisent Invasion buccale emplis de mots surchauffés Nos fougues s’emmêlent » (p.28, éd. Tamarin)L’érotisme peut avoir une forme plus franche. Esther souffle ici le chaud et la vie. C’est ce qu’il y a de perturbant et d’intéressant dans ce recueil de poésie. Ce mélange de douleur et d’extase, de silence et de cris, ce questionnement de l’intime et du collectif. Ne dit-elle pas :
« Nos peines confessent l’Afrique Pourtant Elle meurt de foi » (p.31, éd. Tamarin)L'Afrique a-t-elle une espérance ? Croit-elle en ses possibilités. Est-elle condamnée à mourir "deux" fois ? Je ne vais pas m’étendre parce que dans le fond, critiquer de la poésie, c’est avant tout tenter de dire sa propre vérité sur un texte en ayant conscience qu’elle ne rencontrera pas forcément celle du poète. Mais, si cette chronique vous donne envie de lire ce livre, mon bonheur sera parfait.Esther Doko, Par la sueur de mon suaireEditions Tamarin, 2016