La Ferme des Écarts est ainsi nommée pour des raisons évidentes: le domaine se trouve à environ huit kilomètres du village: on y peut faire ce qu'on veut sans se soucier de ce que pensent les autres, mais c'est compliqué quand il s'agit de livrer du lait ou acheter du pain.
Les terres, une soixantaine d'hectares, sont de qualité. Leur rendement permet de nourrir facilement une soixantaine de têtes de bétail, dont une quarantaine de vaches sélectionnées pour leur production intensive. Car l'exploitation est consacrée à la production laitière.
Quatre personnes vivent sur le domaine: Roger qui, seul de la fratrie, en a hérité de ses parents, Lydia, sa femme, plus jeune que lui de douze ans, épousée il y a quatre ans, le fils d'un premier lit, qui entend des voix, et Mésange, qui est l'ouvrier attaché à l'exploitation.
Roger n'est plus en mesure d'honorer sa femme. De plus, il se laisse aller, il boit, il se couvre de dettes. Son exutoire, c'est de toujours améliorer le domaine; ce sont tous les équipements techniques nouveaux et les machines agricoles qu'il convoite et qu'il acquiert.
Lydia, délaissée par son mari, supporte de moins en moins sa condition de femme effacée, écartée, juste bonne à faire le boulot. Son exutoire, c'est la musique classique ou romantique, parfois baroque, beaucoup plus difficilement moderne ou contemporaine.
Le fils n'a pas accepté le remariage de son père. Détraqué, il entend des voix, surtout une, plus singulière que les autres, qu'il [n'arrive] jamais à contrôler. Son exutoire, c'est de pianoter sur son smartphone, de regarder des films porno et de commettre plus inavouable.
Un jour, Roger, levé tôt matin, a un accident improbable avec le tracteur accouplé à la faucheuse rotative. Dès lors, les Exutoires prennent une autre dimension. La pression augmente dans le microcosme. Le dénouement est le bouquet final de tous les écarts.
Francis Richard
Exutoires, François Hainard, 160 pages, Éditions du Roc