En pleine semaine du développement durable, je voudrais profiter de l'apparition d'une énième néo-banque britannique (mais à quoi bon la pointer du doigt ?) pour m'inquiéter d'une tendance qui se répand parmi les jeunes pousses du secteur, en totale contradiction avec leurs engagements et, plus grave, avec ceux de leur clientèle cible.
Le concept de « cashback » – c'est-à-dire le remboursement d'une fraction des dépenses réalisées auprès d'une sélection de partenaires – ne constitue évidemment pas une innovation récente dans la panoplie des professionnels du marketing. Il semble cependant qu'il connaisse aujourd'hui un regain d'intérêt, devenant soudain un des arguments de séduction les plus fréquemment employés par les innombrables acteurs qui cherchent à réinventer les services financiers, notamment à destination des jeunes.
Indépendamment de l'appréciation que chacun peut porter sur ces méthodes promotionnelles, elles sont plutôt malvenues dans le contexte de sensibilisation généralisée au développement durable, dont, de surcroît, se réclament beaucoup des startups qui y recourent. Que vaut, en effet, la promesse d'une carte de paiement en plastique recyclable (voire végétal) et l'abandon du papier dans les processus quand, en parallèle, l'entreprise encourage des comportements contraires à ses fondements ?
Récompenser les personnes pour leurs choix de restauration rapide, aux sources d'approvisionnements lointaines, irrespectueuses de l'environnement, pour leur addiction aux grandes enseignes de prêt-à-porter qui persistent à faire fabriquer leurs vêtements dans des conditions indécentes, pour leurs désirs de voyages à l'autre bout du monde… n'est guère cohérent avec les discours ambiants, autant en raison des marques ainsi mises en avant que par son incitation à la consommation frénétique.
L'anomalie est d'autant plus grave quand elle affecte des offres destinées spécifiquement à des adolescents ou de jeunes adultes. Que la mission soit explicite ou non, les banques qui visent ces populations assument automatiquement une responsabilité énorme d'éducation financière. Elles devraient donc être exemplaires dans leur approche des besoins de leurs clients, en prenant en compte leurs envies et leurs rêves mais également en leur inculquant les bonnes pratiques qui les aident à assurer leur avenir.
Le plus triste avec la popularité du « cashback » est que, apparemment, il atteint son objectif et permet à ses adeptes de conquérir rapidement des milliers d'utilisateurs, qui se trouvent de la sorte en porte-à-faux avec leurs convictions (en supposant que leur véhémence en faveur du développement durable soit statistiquement représentative et sincère). Peut-être manquent-ils de discernement (et préfèrent-ils critiquer leurs aînés plutôt que de changer leurs habitudes) mais ils méritent un meilleur accompagnement.
L'idée de renoncer à un dispositif sachant démontrer une forte capacité d'attraction et de fidélisation n'est certainement pas facile à admettre pour une startup. Pourtant, l'univers de la banque possède cette particularité d'exprimer sa valeur dans le long terme, qui façonne une perspective distincte sur sa déclinaison de la notion primordiale de « centricité client ». En conséquence, les techniques de vente traditionnelles, focalisées sur une satisfaction immédiate, s'y révèleront probablement contre-productives.