J'en étais où? Je parlais de la contribution Urgence Sociale de la Nouvelle Gauche pour dire tout le bien que je pensais de leur approche de l'idéologie sarkozyënne. Maintenant je vais me permettre d'être légèrement plus critique, et ce essentiellement pour des raisons égoïstes : j'espère, à partir de quelques unes des propositions, arriver à élaborer une petite miette de pensée sur l'attitude d'une gauche devant la mondialisation, surtout une gauche se voulant nouvelle.
Voici les quatre premières propositions dans Urgence sociale (qui se formulent comme des questions qui sont en fait les réponses aux questions de Pierre Larrouturou. Voir par exemple les réponses de Maxime Pisano.)
1. Etes-vous d'accord pour que, à l'issue de son Congrès, le PS organise sans tarder avec l'ensemble des socialistes européens (ceux qui sont au pouvoir et ceux qui n'y sont pas) une grande Conférence internationale pour définir de nouvelles règles du jeu en matière monétaire et financière ?
2. Etes-vous favorable à la négociation d'un véritable Traité de l'Europe sociale comprenant des critères de convergence sociaux aussi précis et contraignants que l'étaient les critères financiers du Traité de Maastricht ? Etes-vous d'accord pour que [...] le PS propose à l'ensemble des socialistes européens [...] de se réunir pour réfléchir au meilleur moyen de négocier très vite un vrai Traité social ?
3. Etes-vous d'accord pour que [...] le PS propose à l'ensemble des socialistes européens [...] de se réunir très vite pour réfléchir au meilleur moyen de donner à l'Europe des ressources propres en créant un impôt européen sur les bénéfices, une éco-taxe et/ou une Taxe Tobin ?
4. Etes-vous d'accord pour que [...] le PS propose à l'ensemble des socialistes européens [...] de se réunir pour réfléchir au meilleur moyen de rééquilibrer les relations entre la Chine et l'Europe ? Etes-vous d'accord pour que soit mis en débat un système de Montants compensatoires qui incite très fortement la Chine à respecter d'ici 5 ans un certain nombre de règles écologiques et l'ensemble des règles sociales du BIT qu'elle a signées avant d'adhérer à l'OMC ?
Il faudra les prendre une par une, mais déjà on voit l'enjeu fondamental : comment le politique peut-il reprendre le dessus sur les intérêts du commerce et de la finance internationaux ? Comment un état comme la France peut-il peser dans cette cour des très grands ?
Ce que je salue dans ses questions-qui-sont-des-réponses-à-des-questions, c'est leur dimension internationale, ce qui peut paraître normal pour une question qui est effectivement d'ordre international, sauf que, un peu trop souvent, on ne traite la question qu'en termes de politique intérieure : "fermons les frontières", "achetez français", "plombier polonais", "TVA anti-délocalisation" ou même encore : " devenons la Chine". Toutes ces réponses, et les crispations qui les accompagnent, ont tendance à ne servir qu'à des besoins de communication politique intérieure et sont finalement autant des manières de nier le fond du problème qui est que les Etats, dans ce monde mondialisé, n'ont plus les mêmes moyens d'agir qu'il y a vingt ou trente ans.
Traiter la question sur le plan qui lui est propre, c'est une excellente idée. Nous nous approchons peu à peu d'une politique qui s'occupe du fond de la question.
La réserve que j'ai à formuler devant de telles propositions (surtout le "nouveau Bretton-Woods", le Traité de l'Europe sociale et le durcissement de la négociation avec la Chine), c'est que le modèle de l'action gouvernmentale change de sphère (supra-nationale plutôt que nationale) mais ne change pas fondamentalement de nature. On cherche à créer une force démocratique et politique qui sera en mesure de donner des ordres au marché, pour reproduire ce qu'un État pouvait faire pour sa propre économie naguère.
Plus j'y pense, plus j'ai l'impression qu'il faudra inventer un nouveau modèle (de gauche) d'action gouvernmentale qui prendra mieux en compte les rapports de force réels. La Chine par exemple ne se laissera pas marcher sur les pieds par l'Europe ; je ne suis pas contre l'idée de durcir le dialogue, mais il est naïf de penser qu'il aboutira à des changements importants, puisque la Chine sait bien que sans elle nos économies s'éffondrent.
Mais bon, il est tard et je n'a même pas commencé de parler de Bretton-Woods. Ce sera donc pour l'épisode suivant de mon feuilleton de l'été.