Depuis le vote in extremis de la « réforme » constitutionnelle, les médias se gargarisent du sort éventuellement réservé à Jack Lang.
Or, contrairement à ce que la plupart des organes de presse raconte, la question n’est pas de savoir si Jack Lang doit rester au PS mais s’il le peut. Nous ne sommes plus en effet dans le champ du devoir, c’est-à-dire de l’éthique et du choix individuel. On aurait bien entendu accepté que Lang ait quelque scrupule de conscience avant d’apporter ses suffrages à l’entreprise sarkoziste et on aurait même compris qu’il prenne ses responsabilités en rendant sa carte du Parti. Le problème est qu’il s’est révélé totalement incapable de faire ce choix. Dès lors, et sauf surprise, la décision de quitter le PS ne viendra donc vraisemblablement pas de lui. En effet, ne jure-t-il pas, la main sur le cœur, qu’il est plus que jamais un député socialiste ? Il faudra donc décider à sa place et l’exclure. Cette décision devra émaner des instances compétentes du PS, à supposer que les tractations et autres manœuvres préparatoires du Congrès de Reims, n’amènent justement pas lesdites instances à ménager le député de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais).
Oui, la décision d’exclusion devra émaner du PS car il est évident que Jack Lang n’est pas prêt d’avoir le sens des responsabilités de Chevènement qui, lui au moins, avait préféré quitter le PS pour aller au bout de son analyse politique. On sait qu’en 2002, il en a payé les conséquences et qu’il ne pèse désormais plus rien.
Il faut donc virer Jack Lang afin que celui-ci prenne la juste mesure de ce qu’il pèse réellement au sein du PS, c’est-à-dire rien, nada, nichts, niets, nimic, comme il faut rappeler un principe de base : «Qui va à la baffe, reçoit la baffe». Et cet avertissement vaut également aux alliés du PS (on pense ici particulièrement au groupusculaire PRG) qui feraient preuve de déloyauté à son égard alors qu’ils lui doivent des maires, des conseillers généraux, des conseillers régionaux, des députés, des sénateurs, c’est-à-dire une existence politique. On ne mord pas la main qui nourrit. Il va bien falloir le rappeler.
Cependant, il convient de rester prudent. La mansuétude est hélas chose si courante au PS, qu’on ne serait pas étonné de voir Lang demeurer bien en cours parmi les apparatchiks de la rue de Solferino. Pour l’instant, c’est la tourmente. Il faut juste attendre que la pression politico-médiatique retombe un peu. Cela devrait être à peine l’affaire de quelques jours. Peut-être moins si l’on en juge déjà les réactions de Manuel Valls, Jean-Marie Le Guen, Christophe Caresche et Gaëtan Gorce qui ont déploré « une forme d’anti-sarkozysme pavlovien » (sic !) et une « attitude négative et stérile » (resic !) de la direction du parti. Même Arnaud Montebourg, d’ordinaire si incisif et intransigeant, s’est montré tout miel à l’égard de Jack Lang, le matin du vote sur le plateau d’I-télé. Quant au premier secrétaire, il fait de la bouillie tiède, comme le montre l’interview suivante :
Jack, petit polisson
Le bal des faux culs commencerait-il en avance ? Vous allez les voir. Ils vont s’agiter. Ils vont gloser. Ils vont expliquer aux masses militantes ignorantes l’incroyable vertu qui émane du comportement de Jack Lang. Le camp du vrai va donner à plein régime dans la pédagogie à deux balles pour expliquer que la trahison, c’est en fait de la fidélité mal comprise.
Pour ces faux culs, il est normal, naturel en somme, que le militant socialiste prenne du temps sur sa vie privée pour tracter, coller, convaincre ses connaissances, participer à des débats dans sa section, faire les campagnes électorales, pour permettre, au bout du compte, à des gars comme Jack Lang de se livrer à de petits coups pendables.
Comment ne pas songer aux militants du Pas-de-Calais qui viennent violemment de se rendre compte qu’ils ont pour représentant un charlot, un traître de bas étage ? Ce doit être une curieuse sensation que de se faire niquer en bonne et due forme (tant pis pour la trivialité du propos, mais au moins ça a le mérite de la clarté).
Comment diable ces militants peuvent-ils ignorer le fait qu’Eric Besson, Claude Allègre, Bernard Kouchner, Jean-Marie Bockel, Fadela Amara, Jean-Claude Jouyet, Martin Hirsch, Hubert Védrine, Jacques Attali, Dominique Strauss-Kahn, Michel Rocard, ceux qui agissent masqués (Spartacus, les Gracques, etc.), et désormais l’inénarrable Jack Lang, sont des modèles politiques pour le vingt et unième siècle ?
Manuel Valls et ses amis iront leur expliquer.
En cette curieuse époque où la cinquième République n’en finit pas de crever (en cela, la réforme constitutionnelle relève de l’acharnement thérapeutique), la base du PS sait désormais que pour certains « socialistes », plus rien n’a de valeur mais tout a un prix et tout peut faire l’objet d’une négociation.
Le Guépard, de Visconti
Le problème de ces « socialistes », qui émargent au PS tout en le critiquant, qui prétendent faire partie de l’opposition sans s’opposer, c’est que leur perception de la réalité politique est mauvaise, parce que celle-ci est déformée par les médias et les sondages.
Ceux-là ne peuvent s’affranchir impunément de la structure qui les a soutenus, qui leur a offert la logistique, humaine et matérielle, pour être ce qu’ils sont devenus et pour porter et défendre, avec courage et opiniâtreté, les idées pour lesquelles, militants, sympathisants et électeurs les ont mandatés.
La base, c’est-à-dire le socle de l’action socialiste à tous les niveaux, exige de ses représentants un minimum d’honnêteté intellectuelle et de probité politique.