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Manifeste incertain 9, de Frédéric Pajak

Publié le 20 septembre 2020 par Francisrichard @francisrichard
Manifeste incertain 9, de Frédéric Pajak

post mortem J'ai évoqué des écrivains, des peintres et des penseurs. Leurs destins furent en quelque sorte incertains, et d'abord parce que la société les a ignorés longtemps, les a même répudiés, avant de les célébrer .

Cette fois, Frédéric Pajak, dans cet ultime volume (c'est la Fin du Manifeste), évoque Fernando Pessoa (1888-1935). Pas davantage que les destins qu'il a sollicités dans les volumes précédents, il n'a choisi le destin du poète portugais: il s'est imposé à lui au hasard des lectures.

Pessoa est un poète qui a peu publié de son vivant sous son . Il l'a fait un peu plus sous quelques-uns de ses hétéronymes (au nombre de soixante-douze ? de quatre-vingt quatre ?):

L'hétéronyme n'a rien à voir avec le pseudonyme, qui est simplement l'expression d'un auteur sous un autre nom; l'hétéronyme est l'expression d'une autre personne, d'une personne hors de soi, avec son identité propre et distincte, un peu comme l'est le personnage d'une pièce de théâtre.

Dans le cas de Pessoa, qui s'est "multiplié" pour se "sentir" ( la plupart des gens pensent avec leur sensibilité, tandis que lui sent avec sa pensée) cela va très loin:

Pessoa va, pour presque chacun de ses avatars, leur attribuer une date de naissance, une profession, une biographie, des opinions politiques, et même un horoscope complet.

Après sa mort, dans la malle où il a entreposé ses manuscrits, on dénombrera environ trente mille documents, presque tous inédits. Ses livres, en quelque sorte, ont été offerts comme un cadeau à la postérité.

Pajak, à propos de ses opinions politiques, écrit qu' il est avant tout paradoxal : Il ne craint pas de se contredire. Il a, comme il aime à le répéter, une opinion le matin et une autre le soir. Pour autant, il n'est pas versatile: il accepte sans détour ses contradictions...

Pessoa ne fait qu'un avec son oeuvre: Depuis l'enfance probablement, il subit et entretient un mal de vivre irrépressible, une morbidité aiguë. L'écriture est, à n'en pas douter, un exutoire à sa profonde mélancolie.

En cela Pessoa est fondamentalement portugais. Car, ce qui fonde l'âme portugaise, saudade c'est un vague à l'âme, un sentiment où, à la nostalgie et au regret, se mêle une puissante mélancolie. On l'appelle la . [...] Toute la poésie de Pessoa en est imprégnée.

Comme dans les volumes précédents, à ce destin incertain, Pajak mêle différents épisodes de sa propre vie, tels son enfance, ses blessures, ses passions: Non pas que celles-ci soient si pittoresques, ou si notables, mais elles me sont devenues réelles.

Dans ces épisodes se révèle un sentiment qui lui est familier et secret, l'incertitude, sentiment qu'il aura caressé tout au long de son existence, selon ces vers, ici modernisés, de François Villon 1:

Rien ne m'est sûr, si ce n'est la chose incertaine, Obscur seulement ce qui est tout à fait évident, Je ne doute que face à la chose certaine Et, pour moi, la science est fruit du hasard.

Francis Richard

1 Ces vers sont tirés de la Ballade Villon (Ballade du concours de Blois ou Ballade des contradictions) dont voici la version originelle:

Riens ne m'est seur que la chose incertaine, Obscur fors ce qui est tout évident, Doubte ne fais fors en chose certaine,

Science tiens à soudain accident .

Manifeste incertain 9, de Frédéric Pajak, 352 pages, Les Éditions Noir sur Blanc

Volumes précédents chez le même éditeur:


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