Du 12 septembre au 24 octobre 2020
www.larnoline.comGaël Davrinche - Sujets à réserves
Sujet ou prétexte ? Gaël Davrinche peint depuis plusieurs années déjà des fleurs, variant les supports, les techniques. S'inspirant tour à tour des herbiers botaniques de Redouté et des vanités flamandes, il joue des références et fait montre d'une impressionnante connaissance de l'histoire de l'art comme s'il s'intéressait davantage aux compositions picturales et aux styles de ses prédécesseurs qu'aux espèces végétales.
La fleur représentée, plus que la fleur réelle. L'artiste travaille par séries, c'est à dire au travers d'une logique qui, de Monet à Warhol pose la question du motif, et permet surtout l'exploration de la couleur, l'expression de la peinture. Il peut d'une œuvre à l'autre s'attacher au velouté d'un pétale dans une approche réaliste comme vouloir rendre le choc esthétique de la rencontre de deux pigments avec une vivacité toute expressionniste. Par le travail de l'empâtement comme celui plus récent de la réserve, le peintre cherche à s'abstraire des fleurs. Si elles sont là, c'est le geste de cueillir qui est le plus important.
Les gestes de peinture, c'est dans les toiles non-figuratives qu'ils sont bien sûr les plus visibles. Superposés, les aplats des Champs chromatiques vibrent les uns contre les autres. Comme en quinconce, les rectangles tout en dégradé avec lesquels joue Gaël Davrinche donnent l'impression d'une géométrie instinctive et font ressortir le magnétisme des couleurs.
Sur le fond blanc de la toile, les bords, plus ou moins opaques ou transparents, installent une tension de surface. La planéité des toiles renforcée par une accroche directe au mur, sans chassis, devient caisse de résonnance pour la lumière. Devant l'écran, dans une attente contemplative, le spectateur est face à une pratique qui se révèle par le blanc laissé à côté, par le creux avec lequel le peintre compose comme dans la série The earth day painting. Sur ces toiles blanches, des lignes se juxtaposent les unes aux autres et décrivent entre ciel et terre un horizon de possibles.
Les lignes, aussi simples soient-elles, révèlent la main. Le dessin, réduit au minimum, laisse à la couleur toute sa charge visuelle, la place de rayonner. Toutes les questions de la peinture, y compris spirituelles, semble prises dans cette démarche qui avec ces multiples variations s'apparente à une tentative radicale d'épuisement.
N'occupant que l'espace médian pour cette série de toiles Gaël Davrinche affirme sa conscience du blanc et comme un poète qui revient à la ligne pour ajouter un vers, il creuse son sillon. La sédimentation des pigments rappelle alors l'autre série cette fois figurative de l'artiste des Kalachnikov.
Derrière ce nom qui sonne comme une mitraillette et qui en évoque l'énergie, des portraits très matiérés de personnalités archétypales et parfois fictives. Le peintre y agit rapidement, y impliquant tout l'atelier laissant les tâches, mettant les doigts comme pour être toujours au plus proche de son oeuvre, quitte à faire l'impasse du sujet.
Henri Guette