Asia Times Financial (1) a rendu compte le 17 septembre 2020 que le président chinois Xi Jinping et le Comité central du Parti Communiste Chinois (PCC) ont présenté un plan pour ouvrir une « nouvelle ère » sur le contrôle sur des affaires privées en Chine.On peut s’interroger sur le fait que la presse française n’a pas relayé cette information importante qui lève le voile sur la manière dont le système communiste chinois pilote désormais au grand jour l’économie de marché de ce pays.
Une phraséologie « pacificatrice »
Le président Xi Jinping a ainsi donné des « instructions importantes » à toutes les régions pour renforcer le contrôle des partis sur l’entreprise privée. Pour ne pas subir une attaque frontale en matière de polémique, le PCC recourt à un langage politiquement correct vis à vis du monde extérieur en expliquant que ce processus de contrôle s’inscrit dans un plan de grand rajeunissement de la nation chinoise. Sa direction indique que les entreprises auront besoin d’employés du parti pour renforcer les normes morales. Ce nouvel élan démontre aussi l’intention du PCC d’exercer un contrôle renforcé du secteur privé chinois dans toutes les régions de la Chine. Les différents Ministères du pays ont reçu l’ordre de suivre ces nouvelles lignes directrices. Le prétexte de rajeunir les cadres d’entreprise et de moraliser les affaires légitiment cette démarche qui se veut pacificatrice pour atténuer les tensions et les dérives.
Un levier d’influence intérieur et extérieur
Les entreprises privées et les entrepreneurs seront supervisées par le biais de l’United Front Work (2). Cette organisation qui a des antennes à l’étranger a été analysée de manière critique par les autorités fédérales américaines : « La Chine utilise le travail du «Front uni» pour coopter et neutraliser les sources d’opposition potentielle aux politiques et à l’autorité de son Parti communiste chinois (PCC) au pouvoir. Le Département de travail du front uni (UFWD) du PCC – l’agence responsable de la coordination de ces types d’opérations d’influence – se concentre principalement sur la gestion des groupes d’opposition potentiels en Chine, mais il a également une importante mission d’influence étrangère. Pour mener à bien ses activités d’influence à l’étranger, l’UFWD dirige le «travail chinois à l’étranger», qui cherche à coopter des individus et des communautés d’origine chinoise vivant en dehors de la Chine, tandis qu’un certain nombre d’autres organisations affiliées clés guidées par la stratégie plus large du Front uni de la Chine mènent des opérations d’influence. ciblant les acteurs étrangers et les États ».
La principale mesure est « l’amélioration de la direction du parti sur l’économie privée – les chiffres économiques privés doivent être plus étroitement unis autour du parti ». Selon les nouvelles dispositions, les entreprises privées de taille plus réduite que les joint venture créés avec des grands groupes étrangers auront besoin d’un certain nombre d’employés inscrits au Parti. La lecture entre les lignes s’impose devant ce type de déclaration. Les cadres de ces entreprises étrangères devront accepter d’être soumis à un renforcement idéologique » pour accroître leur conscience de l’autodiscipline, construire une ligne forte de défense idéologique et morale, réglementer strictement leurs propres paroles et actes, cultiver un mode de vie sain, et créer une bonne image publique ».
Autrement dit, le PCC veut accroître sa pression sur les orientations marchandes suivies par les entreprises étrangères installées sur son territoire. Rappelons à ce propos le discours que le Président chinois a prononcé à Davos en 2017 : « Le monde doit développer un nouveau modèle de croissance dynamique, basé sur l’innovation. Il lui faut adopter une approche coordonnée et interconnectée, afin de développer un modèle de coopération ouvert et mutuellement profitable, un modèle de gouvernance juste, équitable et adapté aux tendances de l’époque, et un modèle de développement équilibré, équitable et inclusif ». Il faut juste rajouter sous le contrôle étroit du Parti Communiste pour ce qui concerne la Chine.
Christian Harbulot
Notes
1- Ce site précise que « La loi visant à créer des cellules de parti dans le secteur privé a été promulguée en 2000 et, en 2016, des cellules de parti avaient été créées dans 68% des entreprises non gouvernementales chinoises. Même les entreprises étrangères n’ont pas pu échapper au gouvernement chinois. Soixante-dix pour cent des entreprises étrangères en Chine avaient formé la cellule du Parti communiste en 2016 ».
2- A l’origine, le système du Front uni était historiquement composé d’intellectuels, de gens d’affaires, de croyants religieux, de minorités ethniques, de Chinois de retour à l’étranger et d’anciens membres du Parti nationaliste (connu sous le nom de KMT ou GMD). La politique de front uni a été impulsée par Mao Tsé Toung successivement entre 1924 et 1927 (alliance conclue entre le Kuomintang (KMT) et le Parti communiste chinois (PCC), pour lutter contre les seigneurs de la guerre et tenter d’aboutir à une unification du gouvernement de la République de Chine), puis entre 1937 et 1945 (trève conclue entre le KMT et le PCC contre l’envahisseur japonais). Plus récemment, la politique de front uni a été relancée. Le groupe s’est élargi pour inclure des personnalités des médias sociaux, des professionnels indépendants (notamment des avocats), des dirigeants d’entreprises financées par des fonds étrangers, des Chinois d’outre-mer et de jeunes Chinois étudiant à l’étranger.
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