Chaque mois, vers le milieu, tout comme je le fais pour le cinéma (dans les 10 premiers jours) et tout comme je le fais pour la littérature (dans les 10 derniers) je vous parle de l'une de mes trois grandes passions: la musique.
Le titre de la chronique est inspiré de 4 albums que j'ai tant écouté dans ma vie que ses composantes sont presque dans mon ADN.
Par ordre de création:
"Blonde on Blonde" de Bob Dylan
"The Idiot" d'Iggy Pop.
"Low" de David Bowie
"The Unforgettable Fire" de U2.
B.I.B.I. c'est moi, c'est aussi la terminaison du mot "Habibi", voulant dire en dialecte irakien: Je t'aime.
Musique, je t'aime.
LINDBERGH de ROBERT CHARLEBOIS & LOUISE FORESTIER.
1968.
Dès janvier, Johnny Cash enregistre son fameux album en concert dans la Folsom Prison, en Californie. En mai, un peu plus loin, Buffalo Springfield performe sur scène ensemble pour la dernière fois, à Long Beach, toujours en Californie. Au mois d'août, Simon & Garfunkel enregistrent un album en concert au Hollywood Bowl qui ne sera rendu disponible à tous qu'en 1994 et via l'Australie. Phil Ochs enregistre ses Tapes From California. Bobby Womack faisait une version mémorable de California Dreamin' des Mama's & The Pappas. En Avril Martin Luther King était assassiné à Memphis. En mai, la France était dans la rue pour 7 semaines de manifestations sur les droits civils. En août, Bobby Kennedy était tué dans la cuisine de l'hôtel l'Ambassador de Los Angeles. En ex-Tchécoslovaquie, dès janvier on tente de se libérer du communisme et on y introduit tous les élément d'une démocratie. On appellera ces quelques mois le printemps de Prague.
Robert Charlebois est un jeune chansonnier qui a trois albums à son actif. Il a surtout présenté du style chansonnier. Tantôt il jazze, tantôt il pastiche Jacques Dutronc. Il fait aussi l'acteur chez Brault. Il le fera plus tard avec Leone. Il passe une large partie de 1968 en Californie. L'agitée Californie. Il baigne dans l'ère psychédélique de la région et revient vivre au Québec.
Pour son quatrième album, il fait appel à son amie Louise Forestier pour l'enregistrer. Charlebois est un brillant compositeur de musique mais laisse plus souvent qu'autrement les autres composer les paroles pour lui. Réjean Ducharme, Marcel Sabourin, Claude Péloquin, Pierre Bourgault, Gilles Vigneault, son amoureuse Mouffe, avec laquelle il va tourner aussi un film pour Jean-Pierre Lefevbre, lourdement sous l'influence de Jean-Luc Godard.
L'album sera d'abord titré du nom des deux interprètes, Charlebois & Forestier, plus bas, en plus petit. Mais devant l'immense succès de Lindbergh, quand l'album est lancé en Europe, on retitre du morceau planant. Charlebois y croise un mélange de poésie populaire, de rock, de sons électriques et de même de jazz avec le Quatuor du Nouveau Jazz Libre du Québec qui sera de tout l'album. Robert cimente sa légende.
L'album ouvre avec la sauce même de ce qui l'a inspiré. La pièce est teintée de mélodies presque médiévales, et accompagné d'un riff d'orgue fort intéressant. Vers la deuxième minute la chanson verse dans la folie hallucinée au son d'une trompette ivre. Très grisant.
La chanson suivante est un texte de Gilles Vigneault. Une chanson qui pourrais toujours être pertinente de nos jours pour les gilets jaunes, en France. Vigneault tâte du surréalisme avec ce texte cantique. C'est un de mes morceaux préférés de l'album.
Étrange qu'on ait attribué l'album aux deux artistes alors que Louise n'apparaît que sur les 4 premiers morceaux.
Péloquin
Toujours sur un texte de Claude Péloquin, Robert & Louise chantent leur quatrième morceau de suite ensemble et le dernier de cet album. Le rythme passe de l'air de cirque au feel de jazz à l'hystérie théâtrale. C'est définitivement un blues. Michel Robidoux était le guitariste et le responsable des arrangements des 4 premiers morceaux.
La Face A se fermait sur un air jazz rendant hommage à un pianiste fictif du nom de Joe Finger Ledoux. On entend tout de sorte de bruits ambiants rappelant le brouhaha d'un bar en fin de soirée. Ledoux reviendra des années plus tard, en clin d'oeil aux belles années de celui qu'on appelait Garou avant l'autre.
La Face B s'ouvrait avec un morceau très guitarisé. Le quatuor du Nouveau Jazz Libre du Québec était composé de Yves Charbonneau à la trompette, Jean Préfontaine au sax ténor, Maurice Richard (pas celui-là) à la basse électrique et à la contrebasse et de Guy Thouin à la batterie. Le morceau est signé au texte par Marcel Sabourin, avec lequel il se lie d'amitié sur le tournage de Jusqu'au Coeur.
Le morceau qui suit est assez long. Toujours signé Marcel Sabourin, il y a un petit côté funk très intéressant. Un long jam fou. Jeune et fou faisant danser les bougalous. Charlebois avait 24 ans.
Phillipe Gagnon était l'homme au violon sur cet album. Sur Dolorès, morceau moqueur, le violon est à l'honneur. Les voitures aussi. Robert y roule ses "R" comme un pigeon.
Le morceau clôturant l'album a un petit côté hanté. Comme un vol de nuit agité dans une tempête. Bobby slides in english dans les paroles. Useless.
Mais excellent album inspiré de la côte Ouest américaine. Pour amateurs de musique d'Amérique du Nord, de jazz, de psychédélisme, de musique québécoise, de voix planantes, de vols planés, de tapis volant. De conjugaisons multiples, de jams funks, de "R" roulés.