C'est une bande de tissu ou de papier, un motus et bouche cousue qui empêche de lire sur les lèvres et force à regarder dans les yeux. Une ligne blanche qui interdit le dépassement du convoi dangereux et escorte chacun des véhicules vers une infranchissable conformité. " Tenue correcte exigée ".
Quand on est profs ou élèves, on a du mal à se résigner à ce nouveau code qui étouffe la voix et fait disparaître la part de l'identité la plus vulnérable et la plus précieuse. Celle qui se dévoile dans le bas d'un visage, dans un sourire, un rictus, un frémissement des lèvres, un timbre de voix...
Alors le corps cherche à s'affranchir. Dans le flux du trafic, le regard-tigre essaie de passer au-dessus du ronronnement du moteur. Le vêtement fauve s'insurge contre la police du masque, joue la griffe de l'indécence ou de la provocation. Et puis, il fait chaud. Tous les prétextes sont bons pour bondir et rebondir dans la grande savane de la Liberté déclarée. Jupe au-dessus du genou, cœur croisé, Crop top, nombril grand ouvert comme un œil désespéré, robe à bretelles, chemise au ras des fesses, bandeau croisé sur la poitrine, nuisette de plein jour.
Quand le tigre est attaché, il rugit et son pelage vibre.