On attend un peu dehors, d’abord, parce qu’il y a du monde pour ces expositions au Palais de Tokyo. Et celle pour laquelle je suis venu cesse ce dimanche 13 septembre. Cette attente, ça vaut le coup. L’école Kourtrajmé, installée à Clichy / Montfermeil, là où Zyed et Bouna sont morts en 2005, est gratuite et ce qu’expriment les artistes, jeunes, dans les oeuvres présentées au Palais de Tokyo concerne celles et ceux de leur génération, cette génération naissante qu’évoque le film La Haine, cette génération dont celles et ceux qu’on voit dans le film Les Misérables sont peut-être les enfants. D’un film à l’autre, la société a accru les inégalités, les injustices, les violences, toutes les violences et pas seulement les violences policières qui ne sont que l’expression visible des violences que la société impose. Une voiture brûlée ici symbolise ces violences. Et derrière, on vend des T-shirts. Mais quand on entre, on passe entre deux institutions : d’un côté l’école, de l’autre la prison. Le cheminement dans l’exposition fait que l’on commence par l’école et qu’on finit derrière les barreaux. La cité, c’est le lieu de tout, de la vie, de l’espoir, de la lutte, des télés où les ministres de l’intérieur se succèdent jusqu’à oser le mot d’« ensauvagement », sinistre mot de tradition coloniale. Mais il ne faut pas que ce mot fasse oublier que sauvage vient du mot « silva » qui signifie forêt et que dans ce mot, sauvage, on entend « sauver ». Et sauver, c’est aussi regarder comment vivent les humains, d’un côté ou de l’autre de la voie ferrée, d’un côté ou de l’autre du périphérique, écouter les poèmes qu’ils scandent, même seulement les voir sur un tableau quand l’art du portrait s’est trop longtemps limité au portrait des dominants. Cette exposition est enthousiasmante par ce qu’elle montre et par le nombre et l’âge des visiteurs.