IRLANDE: Et maintenant?

Publié le 22 juillet 2008 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com
Mardi, 22 Juillet 2008 16:44

Avec sa « ballade » irlandaise, Sarkozy a réussi à donner du temps au temps. Mais pour combien de temps ? En tous cas, le « french gaffeur » a amélioré son image aux yeux des responsables irlandais. C'est déjà cela... « Ce pourrait être le début d'une belle amitié, qui s'est scellée par un baiser. ». The Irish Independent a bien relevé la chaleureuse embrassade entre le premier ministre irlandais, le taoiseach Brian Cowen, et le président français, Nicolas Sarkozy. Beau changement ! Quelques jours auparavant, le même quotidien avait promis un "Waterloo" au président en exercice de l'Union européenne, agacé par ses injonctions à organiser un second vote, interprété comme une marque d'"arrogance" vis-à-vis du référendum du 12 juin.

Mais aucun plan concret de sortie de crise ne s'est dessiné  et  l'objectif fixé par Nicolas Sarkozy de doter l'UE des institutions définies par le traité de Lisbonne d'ici à la fin de l'année reste une "mission impossible". Sauf si...

Voici deux éclairages intéressants.

Sélection  RELATIO sur COURRIER INTERNATIONAL

Une analyse publiée par le  Irish Independent   et l'éditorial du Financial Times

Dix scénarios pour sortir de la crise

« Les options qui se présentent à nous sont les suivantes :

  • 1 Ne rien faire : gâcher sept ans d'ef­forts serait inacceptable pour nos partenaires européens. Il sera de toute façon nécessaire d'amender les traités existants lors de l'adhésion de la Croatie, en 2010.
  • 2 Renégociation complète : rouvrir la boîte de Pandore d'une négociation à vingt-sept serait également inacceptable pour nos partenaires.
  • 3 Renégociation bilatérale : les vingt-six autres pays accepteraient un nouveau traité fondé sur l'actuel compromis de Lisbonne mais intégrant un nombre limité de de­man­des irlandaises, notamment sur la fiscalité et la taille de la Commission européenne. Ce traité serait soumis au vote du peuple irlandais.
  • 4 Lisbonne allégé : un nouveau traité reprenant la majeure partie du traité de Lisbonne pourrait être ratifié sans référendum, à condition qu'il n'y ait aucun transfert de compétences.
  • 5 Microtraité : comportant de nouvelles dispositions sur la fiscalité, des éclaircissements sur certaines craintes de l'Irlande comme la légalisation de l'avortement et le maintien de la neutralité, de nouveaux accords sur des sujets essentiels comme la Commission et un texte excluant tout transfert de compétences, il pourrait être adopté sans référendum.
  • 6 Lisbonne législatif : certaines réformes phares du traité, notamment sur la présidence du Conseil européen ou la reconnaissance juridique de la Charte des droits fondamentaux, peuvent être mises en place par le processus législatif communautaire.
  • 7 Maximiser Nice : la procédure de révision prévue par le traité de Nice pourrait être invoquée pour remplacer le vote à l'unanimité par le vote à la majorité qualifiée sur certaines questions. Cette mesure pourrait être adoptée sans référendum.
  • 8 Profiter du prochain traité d'adhé­sion : l'adhésion de la Croatie (en 2010) pourrait être l'occasion d'amender les traités actuels - en adoptant la plupart, ou la to­talité, des changements énoncés dans le "Lisbonne allégé" ou le "microtraité", ou en soumettant une nouvelle fois le compromis de Lisbonne au peuple irlandais.
  • 9 Europe à deux vitesses : comme c'est déjà le cas avec la zone euro et l'espace Schengen, les traités existants permettent à des groupes de pays d'opter pour des "coopérations renforcées" au sein de l'UE.
  • 10 Noyau dur : la conclusion logique d'une Europe à deux vitesses est l'établissement, par un petit noyau de pays, d'un système institutionnalisé de coopération approfondie au sein de l'UE ou hors de ses structures.

Les options "Lisbonne législatif" et "maximiser Nice" pourraient être inacceptables en termes de garantie légale, de teneur et de délai. Les options "Europe à deux vitesses" et "noyau dur" seraient des catastrophes politiques inconcevables pour l'Irlande, bien que fort séduisantes pour beaucoup de nos partenaires. Elles permettraient à des pays proeuropéens d'aller de l'avant sans les plus eurosceptiques : le Danemark, la Suède et le Royaume-Uni.

Les meilleures options diplomatiques pour l'Irlande sont une renégociation bilatérale, un Lisbonne allégé ou un microtraité. C'est la solution des poupées russes : du Traité constitutionnel est sorti le traité de Lis­bonne, et de ce dernier en sortirait un autre, similaire mais plus petit, qu'on pourrait appeler traité de Paris. »

Ciaran Toland

 Avocat et vice-président du Mou­vement européen en Irlande.

Irish Independent

Le plan B : mettre Dublin dos au mur

Lorsque tous les autres Etats auront ratifié le traité, les Irlandais seront bien obligés de céder.

Que va-t-il se passer après le non irlandais ? Je pense que l'Union européenne (UE) va trouver un moyen d'appliquer le traité de Lisbonne, et de laisser ainsi l'Irlande potentiellement isolée au sein de l'UE. Je pense également qu'il y aura un autre référendum en Irlande, probablement dans la première moitié de l'année prochaine. Contrairement à ce qui se dit, les dirigeants européens ont bien un plan B. Ce n'est pas un joli plan. Frank-Walter Steinmeier, le ministre des Affaires étrangères allemand, a laissé entendre que l'un des moyens de mettre le traité en application, c'était que l'Irlande se retire temporairement du processus d'intégration européen. Je ne savais pas qu'on pouvait se retirer temporairement de l'UE puis revenir plus tard.

Ce que Steinmeier dit, en fait, c'est que l'Irlande devrait quitter l'UE. Jean-Pierre Jouyet, le secrétaire d'Etat aux Affaires européennes français, a évoqué un "arrangement juridique" avec les Irlandais. J'ai l'impression que la France et l'Allemagne ont cogité pour chasser les Irlandais de l'UE s'ils ne reviennent pas sur leur non.

La condition la plus importante pour ce plan B, c'est que vingt-six pays sur vingt-sept ratifient le traité. Ce résultat est loin d'être assuré, ce qui explique pourquoi Bruxelles, Berlin et Paris mettent tant d'énergie pour que le cirque de la ratification continue. Dix-huit pays ont déjà ratifié le traité, huit doivent encore se prononcer. Lorsque les vingt-six membres l'auront ratifié, le traité de Lisbonne aura été approuvé par des pays représentant plus de 99 % de la population de l'UE. L'Irlande subira alors une pression insupportable.

La situation serait complètement différente si ce processus était interrompu. C'est une grève de la ratification qui a coulé le Traité constitutionnel. Toutefois, rien n'indique que cela se produira. Même le Royaume-Uni a déclaré qu'il poursuivrait le processus. Le gouvernement tchèque, eurosceptique, risque d'être tenté de suivre l'exemple irlandais, et tenir la ratification suédoise pour acquise serait une erreur. Mais, en fin de compte, je pense que le traité sera ratifié par vingt-six pays contre un à la fin de l'année. Que se passera-t-il alors ? L'Irlande pourrait organiser un second réfé­­rendum.

Première possibilité, reposer la même question, mais on voit mal comment on obtiendrait un résultat différent. Deuxième possibilité, re­formuler la question. Par exemple : "Souhaitez-vous rester dans l'UE sur la base du traité de Lisbonne ?" Bien sûr, cela lie deux questions auxquelles nombre de personnes souhaiteraient répondre séparément - oui pour rester dans l'UE, non pour le traité de Lisbonne, mais il est politiquement plus honnête de regrouper les deux questions en une seule, parce que, dans la réalité, c'est le seul choix qui s'offre à l'Irlande.

Et si le gouvernement irlandais refusait d'organiser un second référendum ? Il y aurait à mon avis un débat frénétique sur la façon d'appliquer le traité de Lisbonne sans les Irlandais. Je sais que c'est apparemment en contradiction avec le droit européen mais, si les vingt-six membres le veulent vraiment, ils trouveront un moyen juridique d'y parvenir.

Le traité de Lisbonne entrera donc en vigueur d'une façon ou d'une autre, mais uniquement si les vingt-six autres membres le ratifient. Sinon, impossible de dire ce qui va se passer. La stratégie qui a le plus de chances de réussir du point de vue du reste de l'UE, c'est donc d'employer la manière forte. C'est ça le plan B.

Wolfgang Münchau

Financial Times

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