Initialement, l'application mobile de la licorne suédoise était uniquement destinée au suivi des achats réalisés avec ses instruments, notamment ses options de règlement différé ou en plusieurs fois. Outre ses fonctions de consultation, elle permet donc, entre autres, d'effectuer un remboursement, de solliciter un report d'échéance, d'enregistrer un retour d'article… En l'état, elle joue de la sorte un rôle accessoire, utile surtout aux accros des emplettes sur les sites web (nombreux, il est vrai) où Klarna est présente.
Avec sa dernière version, elle veut désormais prendre une tout autre dimension, qui favorise son adoption pour ses qualités intrinsèques. Dans ce but, elle se transforme en une vaste galerie marchande virtuelle, dans laquelle l'utilisateur peut découvrir et parcourir les catalogues de ses marques préférées (et de celles qu'il ne connaît pas), bénéficier d'une multitude de promotions personnalisées, recevoir des alertes sur un seuil de prix qu'il a fixé, créer ses listes d'envies et les partager avec ses amis…
Bien entendu, le dispositif prolonge l'approche jusqu'à son aboutissement naturel : en intégrant, de manière totalement transparente, les e-boutiques des distributeurs partenaires, il autorise aussi la prise directe de commande, le mode de paiement restant toutefois au libre choix du visiteur (par exemple par carte de débit ou de crédit). Petit avantage supplémentaire en cas de recours à Klarna, tous ses autres services se trouvent alors immédiatement à portée de clic, dont l'accès au support interactif, par tchat.
Sous prétexte d'offrir un parcours utilisateur fluide, sans rupture et sans frictions, l'entreprise cherche en priorité, selon toute vraisemblance, à donner un sens à sa plate-forme mobile, en convertissant le discret outil d'après-vente actuel en un portail d'entrée vers le shopping en ligne. Le second enjeu majeur de l'initiative est de stimuler la fidélité des consommateurs et la récurrence de leurs usages, en les encourageant (subrepticement) à payer plus fréquemment leurs achats avec la solution maison.
La démarche n'est pas sans rappeler les tentatives de quelques banques à travers le monde (CaixaBank, en particulier) de prendre pied dans le commerce de détail, avec la différence notable que celles-ci recherchent un moyen de capitaliser sur le trafic important que génèrent leurs applications, tandis que Klarna part en position de faiblesse de ce point de vue. Plus que du côté du grand public, c'est probablement dans ses relations avec les marchands que ce facteur pourrait s'avérer problématique.
À défaut de logique claire et légitime dans la transition des paiements vers le e-commerce, la diversification que vise Klarna ne réussira qu'à la condition de développer un modèle véritablement innovant, porteur de valeur par lui-même et susceptible, ensuite seulement, de générer des synergies entre les deux activités. Le défi paraît extrêmement ambitieux, dans un secteur des places de marché déjà bien encombré et très disputé.