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barbots

Publié le 05 septembre 2020 par Modotcom

 barbots

tout comme le blogueur du dimanche
s'attelle à la rédaction d'un premier roman
qu'il finira invariablement par publier
à compte d'auteur
je fais face à la peinture
avec le complexe de l'imposteur
avec comme seul bagage
mes courtes années de cégep
et de première année universitaire
en arts plastiques
datant de mil neuf cent quatre-vingt-sept

jacquot m'avait dit
qu'avec tout l'art que j'ai vu et consommé depuis
je saurais quoi faire
devant un chevalet

que nenni
non c'est non
j'ai une incapacité totale 
à traduire ce que je vois
en aplat de couleurs

je ne sais pas quoi faire
je n'ai aucune idée de comment cela fonctionne

point

pour chaque oeuvre réalisée
il y a du travail et des techniques appliquées
et ce n'est pas pour rien qu'on les enseigne

prétentieux soit-il
le premier venu
qui s'improvise créateur
et qui ose publier le fruit de ses essais
comme autant d'oeuvres d'art

non babe

tous ces essais
on appelle cela des études

combien d'esquisses 
ont exécuté picasso freud
bacon ou hockney
avant de commettre sur toile

des centaines sinon des milliers

espérer réussir du premier coup
serait de ne compter
que sur la chance du débutant
quelqu'un peut naître avec du talent
nul ne naît avec le savoir-faire
cent fois sur le métier
tu remettras ton ouvrage
un premier jet n'a de valeur
que celui de l'apprentissage

si l'art peut naître du talent
il n'est créé qu'avec le labeur
alors que le génie créateur donne l'inspiration
et insuffle l'énergie du travail
seul l'acte de faire et de refaire
polit l'oeuvre pour en révéler l'essence

rien n'est beau à l'état brut
ni même les gribouillis des enfants
et s'ils nous émeuvent
ce n'est certes pas par leur beauté
mais par leur perspective décalée
et leur maladresse

ce qui est beau
à écouter à lire à regarder
ce qui est bon à boire et à manger
l'est parce qu'il répond
à l'ordre de la nature
la mathématique de la beauté
le sens esthétique
il parle à nos schèmes
à nos conventions et sensibilités
cultivées par notre expérience
notre éducation notre milieu nos attentes
notre langue nos idéaux nos rêves
et c'est pour cela que nos goûts
évoluent avec le temps

et si tous n'aiment pas les mêmes choses
l'art n'en est pas pour autant n'importe quoi
ce qui est beau bon et digne d'attention
a été étudié retranché effacé détruit
recommencé décomposé jeté restructuré
éliminé brûlé déchiré repensé relu
édité disproportionné disséqué orchestré
révisé traduit recherché reculé goûté
revu développé réduit refermé fermenté
distillé

sans le travail d'édition
sans l'humilité du recul
de l'analyse du rejet et du recommencement
il n'y a que la pollution sonore
l'encre gaspillée
les gribouillis
les oeufs brouillés
la frime

il n'y a même pas le cri primal
sinon une simulation manquée

tout le monde peut faire n'importe quoi
on a tous écrit joué de la flûte à bec
dessiné et fait des biscuits à l'école primaire
la marche est haute entre cela et l'art

mais il ne faut pas réprimer
ses impulsions de création
tout geste d'expression est libérateur
et créer quelque chose est tellement valorisant
mais il faut appeler les choses par leur nom
ce n'est pas de l'art

pour bien faire les choses
il faut les apprendre
il faut essayer
les faire et les refaire
il faut travailler sans relâche
il faut les évaluer et les critiquer
et pour cela il faut s'y mettre
plonger
commencer
humblement
avec le solfège le cahier canada
le crayon à mine et le couteau à beurre

si un premier jet n'a pas valeur d'art
il a au moins le mérite
de nous remettre à notre nano place
dans le grand univers de la création

et en travaillant pour que le geste devienne ravissant
il est au moins d'ici là
un tantinet attendrissant.


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