Chaque mois, dans les 10 premiers jours, tout comme je le fais pour la littérature (dans les 10 derniers) et tout comme je le fais pour la musique (vers le milieu) je vous parle de l'une des mes trois immenses passions: le cinéma.
Je l'ai étudié, y ait oeuvré, m'en suis retiré, mais le cinéma n'est jamais sorti de moi.
Je vous parle d'un film qui m'a charmé par sa réalisation, son audace, ses trouvailles, son scénario, sa distribution, sa musique, sa cinématographie, l'impact et l'écho que le film a eu sur moi, bref je vous parle d'un film dont j'ai aimé pas mal tous les choix.
Un film restant toujours le voyage le moins coûteux qui soit. Et l'un des seuls possibles en ère de pandémie.
CITY OF GOD de FERNANDO MEIRELLES & KATIA LUND.
1997. Le livre du photographe Paulo Lins, autobiographique, raconte la favela dans laquelle il a grandi. Dans la Cité de Dieu, à Rio, au Brésil. Le livre sera un grand succès. On y parle de l'ascension du crime organisé de la fin des années 60 au début des années 80 pendant qu'il essaie de devenir photographe.
L'adaptation cinématographique de Braulio Mantovani mettra l'accent, en 2002, sur la guerre de territoire dans la distribution de drogue entre le gang de Lil' Zé et la sentinelle devenue criminel, Knockout Ned.
L'unique acteur professionnel du film sera Mattheus Nachtergaele, alors inconnu pendant le tournage, mais qui devient immensément connu au Brésil pour un autre tournage à succès, ce qui déçoit beaucoup Mereilles qui voulaient du vrai avec des inconnus. Mais Nachtergaerle le convainc qu'il sera tant investi dans son rôle qu'on oubliera vite l'acteur derrière le personnage. Il sera en effet remarquable dans la peau de "Carrot", petit dealer de drogue constamment menacé par Zé. L'acteur avait choisi d'y vivre (dans la vraie et dangereuse Cité de Dieu) pendant trois mois en préparation pour le rôle.
En effet, la presque totalité des acteurs et figurants sont non professionnels et issus de bidonvilles ou habitant carrément la Cité de Dieu. Quelques uns d'entre eux, Alexandre Rodrigues, qui incarne Buscapé entre autres, habitaient la Cité de Dieu, jugée beaucoup trop dangereuse pour qu'on y tourne le film. On tournera tout près dans quelque chose qui y ressemble beaucoup. Au point que plusieurs des figurants jouent en fait leur propre rôle de petits mécréants. Dans une scène où deux personnages se parlent et que l'un d'eux dit à l'autre qu'il ne s'est jamais lavé de sa vie, il s'agissait en fait d'une vraie conversation entre les deux non professionnels pensant être entre deux prises qu'on a conservé au final pour son naturel.
Un scène de prière, avant une attaque, a été improvisée quand un des non professionnels, habitué de ce genre d'attaques, a demandé pourquoi on ne faisait pas de prière comme on le fait en vrai en de telles circonstances, avant une confrontation avec le clan ennemi. Les réalisateurs l'ont alors enjoint de diriger le moment qu'ils ont ensuite filmé. Moment qui n'était pas scripté.
Quand Knockout Ned tue une première fois, la première femme venant s'adresser à lui après les félicitations est la vraie mère du vrai Knockout Ned.
Les deux personnages principaux: Alexandre Rodrigues (jouant Buscapé) et Leandro Firmino (Zé) ont eu l'option d'être payé 3000 $ pendant le tournage ou un % des recettes du film dans le monde et ils ont tous les deux choisi la première option. Avoir choisi le %, ils auraient gagner 25 fois leur somme reçue chacun.
Le film ne sera pas retenu dans la catégorie du meilleur film étranger aux Oscars, mais aura 4 autres nominations. soit celles de la meilleure réalisation, du meilleur montage, de la meilleure cinématographie et de la meilleure adaptation écrite, qui était le tout premier scénario de Braulio Mantovani.
Seu Jorge est en fait un musicien avant d'être un acteur et est très populaire au Brésil et même hors pays.
Le dernier plan du film nous montre un gang de jeunes garçons errant qui, 10 ans plus tard, seraient effectivement, dans la vraie vie, un gang de criminels fort dangereux dans les bidonvilles du Brésil. Le film, qui ne voulait tellement pas glorifier la violence qu'il la suggérait beaucoup au lieu de la montrer, a un peu raté sa mission puisque les gangs de criminels, comme la mafia avec The Godfather, ont été honorés d'être si justement dépeints.
10 ans plus tard, on a tenté une réunion des artisans du film, mais certains étaient devenus beaucoup trop criminalisés, d'autres disparus, dont Jefechandler Suplino, qui incarne "Clipper" ont complètement disparu, même pour leur famille, qui le pense encore vivant mais n'en ont pas la preuve.
Dans le secteur, on en a voulu aux réalisateurs d'avoir mis l'accent sur ce tourisme de l'enfer. En effet, le tourisme fasciné a augmenté de 40% depuis. Tourisme encore éloigné car la vraie Cité de Dieu reste dangereuse.
Les réalisateurs ont d'ailleurs avoué qu'avoir connu le niveau de danger autour du film, il ne l'aurait jamais tourné.
Le film offre un regard terrifiant sur la vie de gang dans les bidonvilles sur trois décennies baignant dans la violence qui spirale dans la plus grande violence encore impliquant des adolescents et des enfants s'entretuant sans scrupules. La cinématographie de Cesar Charlone est tout simplement magique. Le montage est très énergique plus le film avance. On se sent prisonniers des rues avec eux.
On y croit, on a peur, on en pleure. Parce que c'est encore terriblement vrai.
Phénoménal film. Dur.
À voir.