Chroniques d’un anthropologue au Japon (18)

Martyrs (2)

Je commence à feuilleter rapidement le rapport du Père Mercier sur son arrestation au Japon en 1945. L’avant propos a visiblement été rédigé après 2015 puisqu’il mentionne la publication de la traduction japonaise à cette date. 2000 exemplaires. Aucune information par contre sur la date d’écriture du rapport lui-même. On apprend seulement qu’il fut commandé par un certain Monseigneur Lemaire, Supérieur Général des MEP (pour Missions Étrangères de Paris), et rendu public après la mort du Père Mercier, en 1977, selon sa volonté.

Introduction percutante. « Peu de temps après la fin de la guerre le gendarme qui l’avait torturé est venu demander au P. Mercier de ne pas le dénoncer à l’armée américaine. Le père lui a répondu : Ne craignez rien, je n’ai aucune intention de vous accuser ». Impossible de ne pas penser à Monseigneur Myriel face à Jean Valjean, qui venait de le voler. Mon ami, avant de vous en aller, voici vos chandeliers. Prenez-les. Quelle classe. Bonté, dévouement, sacrifice. Le lycéen japonais que je préparais au bac en juin dernier, appelait ça du « jikomanzoku » littéralement, de l’autosatisfaction. Il n’avait pas tort. Mais il faut après tout pouvoir tirer quelque mérite à faire le bien. Et puis la sauce prend. Impossible après ça de ne pas se plonger dans le rapport du Père Mercier. Les catholiques des MEP savent écrire, c’est une certitude.

L’introduction n’est pas signée – Il faudra que je me renseigne auprès de la catholique. Je l’appellerai désormais Maria -, mais ouvre quelques pistes intéressantes. Le texte original est conservé à la maison des MEP de Tokyo ; la traduction en japonais a été réalisée par une certaine S. entre 2010 et 2012, à seulement quelques kilomètres de chez moi, dans la ville même où le P. Mercier exerça sa profession, Shukugawa.

Rémi Brun