Un laxisme républicain de plus en plus visible

Publié le 26 août 2020 par H16

Dans le quartier des Champs-Élysées, la stupéfaction est énorme et la sidération totale : la défaite du PSG en Ligue des Champions aurait déclenché une nouvelle vague de pillages et de destruction touchant voitures, mobilier urbain, boutiques et appartements du quartier. Vraiment, c’est sidérant et stupéfiant, si si.

Pendant ce temps, on a assisté à une véritable bataille d’euphémismes de la presse véritablement au taquet ces deux derniers mois pour trouver les bonnes phrases, les belles circonlocutions évasives et autres ellipses narratives atténuantes pour ne surtout pas décrire la situation générale du pays : « incivilités » de « groupes d’individus » qui vont parfois jusqu’à être des « bandes de jeunes », « différends » qui « s’enveniment », « problèmes de voisinage » et « tracas du quotidien », nos folliculaires n’auront reculé devant aucune tournure hardie pour ne pas parler de racailles, de meutes de délinquants ou de criminels, de dangereux récidivistes et autres crapules qui écument les villes et harcèlent leurs habitants sous le regard trop souvent passif de forces de l’ordre dont on a copieusement ligoté les mains.

Il y a pourtant une vraie multiplication des faits divers de plus en plus violents et sordides, aux suites judiciaires de plus en plus déconcertantes par leur inadaptation. Rodéos divers et variés, agressions multiples, armées, l’été 2020 a semble-t-il été un long florilège d’exactions que les grands médias peinent vraisemblablement à évoquer dans leurs éditions nationales.

Pourtant, la simple consultation des « Google News » au sujet des couteaux fous et des fusillades festives donne une assez bonne idée de la frétillance actuelle du pays : il ne se passe guère de jour sans que des gens tombent sous les coups de couteau ou d’armes à feu.

La tendance est claire : les homicides, jusqu’à présent en baisse, grimpent à présent pour revenir à leur niveau de 1972. Ici et là sont évoquées, timidement, des raisons de société ; le mot « d’ensauvagement » est prononcé par certaines sources policières, et lorsqu’il est repris par l’actuel saltimbanque en charge du ministère de l’Intérieur, le ban et l’arrière-ban de la Bonne Société Qui Pense Bien monte immédiatement au créneau : « vous n’y pensez pas, tout ceci est très exagéré, et puis notre Justice est forcément à la hauteur ! »

Cependant, l’est-elle vraiment ?

Si l’on peut arguer qu’il y a beaucoup de gens en prison, on peut se demander si ce sont les bons qui y sont placés. Par rapport à la moyenne européenne, la France est loin d’être la plus répressive, par exemple. En revanche, il se pourrait bien que ces prisons soient mal gérées, mal utilisées et employées pour y stocker maladroitement beaucoup trop de cas qui tiennent davantage de la psychiatrie lourde que de l’incarcération (de 2006 à 2019, mêmes constats), tout en multipliant les largesses et autres libérations opportunistes dont on se demande si elles servent vraiment la société ou, plutôt, l’électoralisme de nos politiciens.

Pourtant, des pays indiquent assez bien ce qui marche ou pas lorsqu’il s’agit de policer une société. Aux Pays-Bas, la gestion des prisons donne largement à réfléchir, ce que s’empresseront de ne surtout pas faire nos élites au pouvoir.

La réalité française, palpable et indéniable, est qu’on n’incarcère pas ceux qui le méritent, pas assez tôt, et pas assez longtemps ; qu’on incarcère beaucoup trop ceux qui ne le méritent pas ; que le laxisme de la justice envers certaines populations, les plus turbulentes et aussi les plus choyées par les politiciens en mal de voix aux élections, n’a d’égal que son intransigeance vis-à-vis des individus lorsqu’ils sont solvables et bien intégrés dans la société, dont l’exaspération devant l’inaction des forces de l’ordre face à leurs problèmes ne sera jamais une excuse ou une cause atténuante (au contraire).

J’écrivais en 2016 que les tensions communautaires s’accroissaient d’autant que les forces de l’ordre sont bien plus souvent mobilisées pour pruner les citoyens que pour les protéger ; je notais en outre que, devant la faillite de l’État à assurer leur protection essentielle, celle qui entre normalement dans le cadre de son travail régalien de base, ces citoyens excédés allaient en venir, progressivement, à constituer des milices.

Petit-à-petit, l’idée fait cependant son chemin et si de telles milices ne sont pas encore en place, ce n’est que parce que chacun fait un calcul entre ce qu’il peut perdre en prenant part à ces groupements, et ce qu’il risque de subir en s’en tenant éloigné ; or, pour le moment, il y a plus à perdre qu’à gagner à concrétiser cette idée. Pour le moment, et on sent qu’il passe.

Ces constats, dressés il y a quatre ans, n’ont pas changé dans leurs prémices, et tout indique plutôt que la situation empire. Le laxisme a été érigé en principe républicain et aboutit à la sidération de certains devant les exactions (pourtant largement prévisibles) sur les Champs-Élysées suite à un banal match de foot, sidération qui semble tout droit venir d’une autre époque où les défaites footballistiques ne se traduisaient pas systématiquement par une mise à sac de quartiers entiers de la capitale…

En fait, il est maintenant clair que la société française, lentement mais sûrement, a douillettement choisi la mollesse, le laxisme, les atermoiments en lieu et place de l’usage de la force contre les éléments les plus destructeurs de la société ; s’il est clair qu’on peut aisément tabasser du Français moyen d’autant plus qu’il est solvable et médiatiquement inexistant, on n’en fera rien si le mis-en-cause n’est pas solvable et encore moins s’il a été médiatiquement placé dans le camp des victimes depuis des lustres. La tendance générale à la déliquescence des forces de l’ordre ne se dément guère. Logiquement, le besoin de sécurité ne diminuant pas, la formation des milices que j’évoquais alors ne pourra pas être évitée.

Dès lors, le vivre-ensemble se mue en survivre-ensemble et la société, absolument plus prête à employer la force pour défendre la civilisation, risque bel et bien d’être confrontée à la barbarie.

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