J’ai déjà consacré un article à Anne Hébert au début de ce mois d’août, avec deux de ses poèmes.
Je parlerai aujourd’hui de son roman Les Fous de Bassan, publié en 1982 aux éditions du Seuil.
Anne Hébert (1916-2000) est une célèbre poète, romancière, dramaturge et scénariste québécoise. Elle obtint de nombreux Prix Littéraires, dont le Femina pour Les Fous de Bassan.
Ce roman se déroule en 1936, au Québec, entre Cap Sec et Cap Sauvagine, sur une terre sauvage, battue par le vent : Griffin Creek.
Dans cette histoire, il est question de deux jeunes filles, Nora et Olivia, « les petites Atkins », deux cousines de quinze et dix-sept ans, blondes et belles, et qui suscitent le désir des hommes autour d’elles, soit qu’elles les aguichent volontairement soit qu’elles leur plaisent sans le vouloir.
Ces deux jeunes filles disparaissent un soir, les habitants de Griffin Creek soupçonnent un double assassinat, des recherches sont lancées pour retrouver les corps, une enquête policière est menée auprès des familles et amis des deux disparues.
L’histoire est racontée selon les points de vue de divers protagonistes de l’affaire, parmi lesquels les deux victimes et l’assassin.
Mon avis très subjectif :
Ce roman vaut surtout pour son écriture superbe, un style poétique, sensuel, qui fait la part belle aux descriptions des corps et de la nature.
Il m’a semblé que le thème du péché, de la séduction, des tensions érotiques violentes entre hommes et femmes formaient l’essentiel du propos, et sous-tendaient toute cette histoire.
Les personnages ne sont pas vraiment des êtres de pensée, mais ils seraient plutôt des êtres instinctifs, impulsifs, poussés par leurs sensations physiques.
Bien que cette histoire raconte un double meurtre et une enquête policière où l’on finit par découvrir l’identité de l’assassin, ce livre n’a rien à voir avec un roman policier et le suspense reste assez ténu jusqu’au bout. L’enquête n’est clairement pas le sujet principal du livre et elle connait d’ailleurs peu de rebondissements.
Je dirais que ce roman est surtout la description d’un univers littéraire, plein de désirs et de dangers.
Un beau livre, agréable à lire, que je conseillerais à ceux qui veulent découvrir cette autrice.
Voici un Extrait page 101
J’ai eu quinze ans hier, le 14 juillet. Je suis une fille de l’été, pleine de lueurs vives, de la tête aux pieds. Mon visage, mes bras, mes jambes, mon ventre avec sa petite fourrure rousse, mes aisselles rousses, mon odeur rousse, mes cheveux auburn, le cœur de mes os, la voix de mon silence, j’habite le soleil comme une seconde peau.
Des chants de coq passent à travers le rideau de cretonne, se brisent sur mon lit en éclats fauves. Le jour commence. La marée sera haute à six heures. Ma grand-mère a promis de venir me chercher avec ma cousine Olivia. L’eau sera si froide que je ne pourrai guère faire de mouvements. Tout juste le plaisir de me sentir exister, au plus vif de moi, au centre glacé des choses qui émergent de la nuit, s’étirent et bâillent, frissonnent et cherchent leur lumière et leur chaleur, à l’horizon. (…)
J’ai lu ce roman dans le cadre du défi de Madame Lit : en août 2020 il fallait en effet lire un ouvrage lauréat du Prix Femina.