M.Marx : l'entrepreneur est-il un voleur ?
Publié le 23 août 2020 par Christophefaurie
Et si l'on confrontait Marx à l'expérience ? Que constate-t-on lorsque l'on veut créer une entreprise ?
- Etre seul n'est pas la même chose que d'avoir des employés. Dans le premier cas, on a du mal à gagner sa vie, et l'on doit économiser sur tout. Dans le second, c'est le paradis des frais généraux. Le dirigeant capte la marge que dégage le travail de chaque personne. En fait, contrairement, à ce que croit Marx, il n'exploite pas la dite personne, mais il capte le "capital social" créé par le groupe. Car, comme le disait Proudhon, le groupe humain crée ce qu'aucun de ses membres n'aurait pu créer : la société ! (Pour prendre une image : lorsque vous faites construire une maison, vous payez les ouvriers pour leur travail, et vous gardez la maison, le fruit du travail collectif. Vous êtes un voleur.)
- Entrepreneur, exploiteur ?
- Proudhon et Marx sont d'accord pour dire que le dirigeant s'accapare le gros de ce "capital social", pour ne laisser que de quoi vivre à l'employé. Mais, dans la PME, le revenu du dirigeant est la variable d'ajustement de la société ; pour emprunter, il engage ses biens ; et, comme le dit l'économiste Frank Knight, l'entrepreneur est assureur de dernier recours.
- Ni Marx ni Proudhon (curieusement, puisqu'il était entrepreneur, et en faillite) n'a vu que créer ce capital social demande une détermination hors du commun. Surtout, on a beaucoup plus de chances de perdre, que de gagner. En conséquence, n'est-il pas logique que le créateur récupère une partie disproportionnée des revenus de l'entreprise ? (Qu'il devrait empiler, pour pouvoir l'assurer en cas de coup dur.)
- Et l'employé, esclave ? Il y a différence de "nature" entre l'entrepreneur et l'employé, entre leurs motivations. L'employé, s'il est correctement payé, est très heureux d'être un "exécutant". Son salaire lui donne la vie qui lui convient. En ramenant tout au "capital" (que l'entrepreneur n'a pas, la plupart du temps), on oublie l'acte social qu'est la création d'une entreprise.
- Et l'investisseur, grand Satan ? Il y eût peut-être un temps où l'entrepreneur possédait le capital. C'est rarement le cas aujourd'hui. Il y a beaucoup de métiers dans lesquels il faut beaucoup d'argent, pendant des années, avant de pouvoir en gagner, si on a beaucoup de chance. L'investisseur joue alors un rôle critique. C'est parce que ce rôle est difficile et risqué, et qu'il y a peu d'appelés, que l'Etat et la BPI tentent de se substituer à l'investisseur privé.
- Les conditions de la perversion :
- Là où les choses changent, c'est lorsqu'il y a accumulation de "capital". Comme le dit Proudhon, parce qu'il possède les murs de la maison commune, le possesseur de capital peut détourner le "bien commun" dans son intérêt ("la propriété c'est le vol").
- Le pire est lorsque le possesseur du capital n'est pas entrepreneur, mais salarié ou héritier, ou actionnaire dominant. Il ne crée plus, il exploite. Il se trouve que c'est notre situation actuelle. L'économie mondiale est aux mains d'une classe sociale homogène de salariés, qu'ils soient dirigeants de multinationales, de fonds d'investissement, ou de cabinets de conseil. Le capitalisme de Picketty n'est pas le même que celui de Marx.
Conclusion ?
- "Capitalisme" ne veut rien dire. Tout dépend de qui possède le capital, et de l'esprit du temps. Et cela change par vague.
- Ce que l'on dit sur le capitalisme est à la fois vrai et faux. Il est vrai car partie de la réalité, mais faux lorsque l'on veut faire de cette partie le tout. Surtout, il exprime l'expérience, voire les intérêts, de celui qui en parle. C'est d'ailleurs pourquoi l'opinion de l'intellectuel, virtuoses de la parole, est beaucoup mieux représentée que celle des autres "parties prenantes" du capitalisme. Il est même probable que certaines de ces "parties prenantes" ne sont pas du tout prises en compte, faute de capacité à s'exprimer.
- Ce qui manque au capitalisme, c'est une étude réellement scientifique de la question. On en est resté aux opinions.