Tout le monde se fiche des vacances de Macron, mises en scène avec douleur et ennui, par les médias officiels. Mais pas de la campagne présidentielle qui va prendre son nouvel envol à la rentrée. Le "nouvel élan" promis par Macron s'annonce fait d'obscurantisme, de violence et de spectacle.
Jupiter est candidat à sa réélection, et Macron fait déjà campagne. Cet été, il amuse péniblement la galerie médiatique avec des clichés estivaux qui intéressent peu: Macron en jet ski, Emmanuel et Brigitte à la pizzeria, Macron en video conférence, Emmanuel et Brigitte "dans le secret de Brégançon", etc. Comme le disent avec humour et talent les Garriberts dans les colonnes des Jours: "Cher Emmanuel Macron, monsieur le Président, puisque personne dans votre entourage n'ose vous dire la vérité, ce sont Les Jours qui vont vous la délivrer, et tout aussi nue que votre torse sur un jet-ski : vos vacances, tout le monde s'en cague !"
Mais Macron fait déjà campagne. Il ne commettra pas le sacrifice quasi-républicain et historique d'un François Hollande déstabilisé d'avoir vidé sa propre majorité de cohérence politique au point de décliner de se représenter pour un second mandat.
Il fait déjà campagne, et son équipe est en place.
Il s'est débarrassé plus ou moins violemment de quelques-un(e)s des plus incompétents parmi les fidèles de la première heure. Cramés par leur dérapages illégaux (Ismael Emelien), leur caractère (Gérard Collomb), leur incompétence (Sibeth N'Daye, Christophe Castaner, Muriel Pénicaud), ou leur épuisement (Edouard Philippe), une large cohorte de proches a été dégagée du pouvoir. Ces gens-là ne sont d'aucune utilité ailleurs. Considérés comme des traitres par les uns, comme des nuls par les autres, ou comme les deux par les mêmes, ils n'ont aucune capacité de nuisance contre le Présidence des Riches. En coulisses, Macron a aussi pistonné nombre de seconds couteaux (dircab, conseillers etc), artisans des premières années de répression sociale et policière du mandat, à des postes de préfets au cours de l'été.
Il récompense les alliés proches, pour consolider ainsi sa base: François Bayrou devient commissaire au plan - un poste honorifique dont l'intitulé indique une chose: Macron fait mine d'enjamber 2022. La notion de plan évoque du long terme, pas le court espace temporel qui reste à Macron, paralysé par son échec, d'ici mai 2022.
Il s'appuie sur sa droite puisque la nouvelle crise l'a contraint à lâcher des mesures sociales temporaires. Le grand virage social de Macron que les "nouveaux progressistes" de la Macronie nous promettent après la réduction de 5 à 7 milliards d'euros annuels pour les plus riches, la réduction du droit d'asile, le gel des prestations sociales, la suppression de lits d'hôpital, et la répression sanglante des manifestations, c'est le COVID qui l'a imposé à Macron sous peine d'effondrement généralisé. Comme ailleurs en Europe, l'État est devenu plus généreux dans l'urgence du COVID à cause d'un confinement moyenâgeux.
A la différence du reste de l'Europe, où les mesures de relance, comme en Allemagne, cible les salariés et les ménages, la Macronie s'est décidée à aider les entreprises en tous en genres. Politique de l'offre quand la demande s'effondre par peur et précarité... Allez comprendre... Même Merkel, reçu dans la résidence à piscine et jet ski du jeune vieux de l'Élysée, a compris qu'il fallait suivre une autre voie. Au Danemark, le gouvernement s'est décidé à financer la retraite anticipée des métiers les plus pénibles par une surtaxation des banques et des hauts revenus...
Macron, donc, s'appuie sur sa droite, avec un gouvernement très sarkozyste, et quelques beaux spécimens pour sa campagne: Jean Castex surjoue son "accent du terroir" au risque de passer pour un Bourvil de passage; Eric Dupond-Moretti aboie ses clichés sexistes comme s'il participait aux Grandes Gueules sur RMC où quelques cadres sup du " journalisme" de complaisance agitent les mêmes clichés réactionnaires en tous genres pour singer ce qu'ils croient être le " bon sens" populaire; Gérald Darmanin joue les puceaux effarouchés quand on lui rappelle qu'il a échangé un service économique contre des faveurs sexuelles. Jean-Michel Blanquer, comme chaque été, s'est fait filmé dans tous les costumes et toutes les positions lors de ses visites de centres de loisirs. Une fois ses Intervilles terminées, il a dévoilé à la télévision à tous les instits et profs du pays que la rentrée ne serait pas décalée à cause du COVID, quitte à faire des classes en plein air cet hiver...
Et voici Olivier Dussopt, rescapé ex-socialiste devenu zélote des coupes budgétaires, qui est perquisitionné dans une affaire de corruption, prise illégale d'intérêts et favoritisme: comme le révélait Mediapart en mai dernier, le ministre du budget " s'était fait offrir en 2017 à titre personnel des œuvres du peintre Gérard Garouste par un dirigeant local de la Saur, alors sous contrat avec la municipalité d'Annonay (Ardèche), dont le maire était le même Dussopt." Interrogé par le journal, Dussopt avait expliqué qu'il ne voyait pas où était le mal.
Ce gouvernement parait aussi incapable que le précédent - aveugle aux réalités du pays.
Comme Macron est en campagne, il ne s'agit pas de "réformer" mais de tenir: il s'affiche davantage à l'international - l'été est très utile pour des tweets et des "photos-calls" entre deux virées en jet ski - car c'est bon pour la stature; il complète le dispositif avec des gros feuilletons médiatiques (Pour ou contre le confinement ? ciblé ou pas, le confinement ? Ciblé par quartier ou par ville ? Etc).
Prenez la santé publique, dont on a pourtant largement parlée, COVID OBLIGE. Il y a eu ce " Ségur" de la Santé, du nom de cette séquence de réunions mises en scènes devant les caméras qui a abouti, après trois semaines de manifestations parfois réprimées dans la violence, à une augmentation de salaires des personnels soignants de quelques dizaines d'euros mensuels cette années. Puis... plus rien sur le délabrement croissant de nos hôpitaux. Alors que le "gouvernement craint une seconde vague" (dixit le Monde, en une, cette semaine), certains établissements repartent en grève (comme à Laval ou à Saint-Brieu) pour protester contre la faiblesse de leurs moyens. La Présidence des riches a l'avarice légendaire.
Autre exemple, le versement de la prime de rentrée aux ménages modestes, revalorisée de 100 euros cette année alors que les masques seront obligatoires à l'école pour les enfants de plus de 11 ans, est l'occasion de réactiver le sempiternel cliché sur " ces pauvres qui s'achètent des écrans plats" - salauds de pauvres ! A-t-on vu quelqu'un demander aux heureux 350 000 foyers aisés bénéficiaires des 5 milliards de réduction d'impôts sur leur patrimoine et revenus financiers de justifier l'utilisation qu'ils en ont faite ? Pas d'enquête parlementaire, pas de contrepartie, pas de question. Les riches coûtent cher, en silence et dans la discrétion.
La seconde campagne présidentielle de Macron promet ainsi d'être toxique et étouffante. Le jeune monarque aura quelque peine à habiller d'un discours progressiste une politique de classe qui fonctionne à contre-courant des besoins des gens et du monde.
La générosité macroniste a des limites, celles des grandes entreprises, des foyers aisés, du cœur de l'électorat macroniste. La gestion du chômage est exemplaire - l'emploi, ou plutôt sa disparition, occupe tous les esprits. Les ménages épargnent en masse pour se prémunir des jours précaires à venir, les entreprises peinent à recouvrer leir niveau de commandes et de clientèle d'avant la crise. Mais Macron s'obstine dans sa politique de l'offre. Le plan de relance de 100 milliards sur 2 ans ne relance rien ou si peu, si ce n'est le gaspillage d'argent public. Et pour les chômeurs actuels ou à venir, le plan est sombre:
- En novembre 2019 entre en vigueur une réforme qui réduit les droits à l'indemnisation et le niveau d'indemnisation des chômeurs. A peine 40% d'entre eux sont indemnisés, soit 10 points de moins qu'il y a 10 ans, contrairement à l'intoxication conservatrice selon laquelle le chômage est une situation plus "confortable" que le travail. Personne n'a oublié les déclarations odieuses de quelques députés macronistes en service commandé, qui réclamaient "une pénalisation plus importante" des chômeurs (dixit Sylvain Maillard, député LREM de Paris)
- Depuis juin 2020, le gouvernement répète, avec raison, que la crise sera gigantesque, que l'on ne retrouvera pas le niveau d'emploi d'avant le confinement avant plusieurs année: "Soyons clairs : on ne retrouvera pas le niveau de chômage d'avant la crise avant plusieurs trimestres" expliquait la nouvelle ministre du travail Elisabeth Borne fin juillet.
- Et pourtant, Macron a attendu le 1er aout pour assouplir les conditions d'indemnisation chômage qu'il avait lui-même durcies depuis novembre. Les 500 000 chômeurs supplémentaires en plein épisode COVID ont été frappé de plein fouet de la réduction des droits chômage. Pire, le décret du 30 juillet 2020 qui suspend la mise en œuvre de la réforme mortifère de novembre 2019 ... mais pour 4 mois seulement...
Barbara Pompili n'a pas tenue un mois sans que ses premiers échecs fassent déjà gloser. Elle qui devait convaincre de la sincérité écolo de son monarque est déjà inaudible. L'observer s'agiter, coincée entre le lobby des amis chasseurs du président, les grandes multinationales polluantes, les groupes de pression sectoriels qui n'ont que faire de l'urgence environnementale, est un exercice délicieusement cruel.
Ami macroniste, reste-là.